14 octobre > Essai France

Les bourreaux, on les connaît (Lénine, Staline, Mao, Pol Pot, Kim Il-sung, Ceausescu, Castro…), les victimes un peu moins tant elles sont innombrables avec leur lot de poètes, de romanciers et d’artistes. Pour les complices (notamment les intellectuels), il faudra attendre octobre 2017. Thierry Wolton s’est attaqué seul à un vaste sujet : l’histoire mondiale du communisme. Et cela un quart de siècle après son acte de décès enregistré au pied du mur de Berlin.

Dans cette saga en trois tomes, il n’est jamais question de défendre cette idéologie, même dans ses soubassements universalistes et utopiques. Le dossier est à charge et Thierry Wolton veut comprendre pourquoi cette catastrophe a eu lieu. Pour en saisir l’ampleur, il a choisi de la raconter, comme une aventure meurtrière. "Le pire a toujours été certain pour les peuples soumis, comme le confirment désormais les archives des ex-pays communistes (partiellement) disponibles." Les spécialistes pointeront les erreurs s’il y en a, les interprétations des faits, etc. Pour le reste, on ne peut qu’être stupéfait par l’ampleur de la tâche et la puissance du résultat. Le lecteur est littéralement immergé dans ce grand récit du communisme en action entrecoupé de références, de citations et d’encadrés qui rythment cette symphonie funèbre.

Thierry Wolton parle avec prudence d’"essai d’investigation historique" et précise : "Je ne suis pas historien de profession." Il se souvient de la polémique suscitée par la parution du Grand recrutement (Grasset, 1993) où il présentait Jean Moulin comme un agent soviétique. A quelques exceptions près, comme François Furet et Annie Kriegel, le milieu universitaire (Pierre Vidal-Naquet, François Bédarida, André Burguière ou Antoine Prost) lui était tombé sur le râble.

Ici, il n’est pas question de révélation. "La tragédie est indissociable du communisme, elle en est l’expression." La violence aussi, contre le peuple, contre les enfants, contre tous ceux qui s’opposent. C’est ce que l’on retire de cette vaste chronique d’une illusion vue sous trois angles, rapportée par ceux qui l’ont portée, ceux qui en ont souffert et ceux qui n’y ont vu que du feu ou ont joué les "idiots utiles".

Pourquoi est-ce arrivé ? Sans doute, nous dit Thierry Wolton, à cause de cette volonté de transformer le monde et non plus de l’interpréter, même au prix de tortures, de déportations et d’exécutions. Parmi les totalitarismes, le communisme a duré plus longtemps que le fascisme ou le nazisme, parce qu’il portait l’espoir d’un "avenir radieux" bien plus engageant que le culte de l’Etat ou de la Race. Mais il est toujours compliqué de vouloir faire le bonheur des peuples malgré eux, surtout quand on n’a pas défini ce qu’on entend par bonheur.

Laurent Lemire

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