Compte-rendu

Congrès de l'ADBU : « Les universités en France ont un vrai problème de communication »

Congrès ADBU 2025 sur la communication - Photo Fanny Guyomard

Congrès de l'ADBU : « Les universités en France ont un vrai problème de communication »

Les bibliothécaires universitaires se sont retrouvés à Nantes du 1er au 3 octobre pour le 54e congrès annuel de l’ADBU. L'événement avait pour thème les enjeux liés à la communication au sein des universités.

Par Fanny Guyomard à Nantes,
Créé le 03.10.2025 à 15h21

Les participants du 54e congrès annuel de l’ADBU, qui s’est tenu du 1er au 3 octobre à Nantes, étaient nombreux à avoir en tête l'annonce du Premier ministre Sébastien Lecornu publiée le 23 septembre : les ministères, agences et opérateurs de l’État n'engagent plus de nouvelles dépenses en communication (sauf campagnes de santé publique et recrutement de la fonction publique) jusqu’à la fin de l’année.

La communication était justement le thème choisi cette année pour le rendez-vous de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires (ADBU). Sous ce slogan : « Toujours plus vite, plus haut, plus fort ? »

Entre infobésité et sous-information

Et sous ce constat posé d’emblée : il ne faut pas communiquer trop vite, trop haut, trop fort, dans un contexte de surcharge d’information. Ni trop peu, comme le propose le chef du gouvernement. Car les Universités, et en leur sein les bibliothèques, sont trop peu audibles, pointent une diversité d’interlocuteurs.

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C’est le cas de Manuel Canévet, dirigeant d’une agence de conseil en communication dans le secteur public : « Les Universités en France ont un vrai problème de communication, d'image. Le regard que leur porte le grand public est généralement mauvais. Mais aussi les dirigeants. » Or, ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse.

Certes, les équipes de communication se sont étoffées. « Mais les moyens financiers sont en-deçà des besoins. Comment, au milieu du brouhaha, faire passer des messages si vous ne mettez pas les moyens pour le faire ? Apposer un nouveau logo, ça ne suffit pas. Même si votre message est joli et pertinent sur le fond, ça ne permet pas de se faire entendre », interpelle le consultant.

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L’illustration parfaite des lacunes communicationnelles est donnée par les influenceurs McFly et Carlito, dans la vidéo Youtube où ils se mettent dans la peau d’étudiants de l’Université Paris-Nanterre, dont le nom (et le logo) a régulièrement changé. « Pourquoi c’est écrit "Paris X", alors que c’est la fac de Nanterre ? », s’interrogent-ils en regardant la bannière du bâtiment.

Publier un communiqué annonçant des changements ? Benjamin Sarcy, chargé de communication externe du Service commun de documentation de l’Université de Bordeaux Montaigne, témoigne : celui annonçant l’ouverture le samedi et la gratuité de l’inscription au service de prêt « n’a eu aucun retour dans la presse ! » Le post sur le réseau social Bluesky a eu une faible répercussion par rapport à X. Seul le réel sur Instagram « a bien fonctionné ».

Peu de formation et de moyens

Et de préciser qu’il ne se considère pas comme chargé de communication ! Mais de fait, il est chargé de cette fonction. Il reste bibliothécaire. Ce qui lui permet de bien parler de son métier, loue-t-il.

Reste que sous-doter la communication universitaire est risqué pour la démocratie, avertit Claire Moreaux, directrice éditoriale à la Netscouade, agence de communication qui accompagne des institutions. « Les canaux sont de plus en plus nombreux, la parole se dissout. La communication publique court le risque d’être remplacée par des sources non vérifiées ». Les annonces du Premier ministre sont en ligne de mire.

Mais l’argent n’est pas le seul nerf de la guerre, remarque-t-elle. « Chez mes clients, la difficulté à communiquer n’est pas tant liée au budget qu’à la structure même de l’organisation : parfois, les services sont en concurrence ! » Et la bibliothèque inaudible. « Il faut rappeler à nos directions qu’on est le lieu le plus fréquenté de l’université, donc d’être bien intégré dans les chaînes de décisions », défend Benjamin Sarcy.

Complexifier les cibles

Avoir une organisation rodée, et des cibles bien définies. « On va avoir de grandes familles de cibles : les étudiants, les chercheurs… Mais il faut les affiner : les étudiants en licence, en master… Pas forcément communiquer moins, mais plus justement », propose Claire Moreaux.

Congrès ADBU 2025 sur la communication
Congrès ADBU 2025 sur la communication- Photo FANNY GUYOMARD

Simplifier le message

Complexifier les cibles, mais simplifier l’institution portant le message, intervient Manuel Canévet, qui mentionne la mode des appels à projet se présentant sous forme de marque, mais qui se superposent à la marque de l’Université. Ajoutez à cela les entités à l’intérieur de l’université qui se pensent comme des marques. « Or, sont-elles des marques, ou des produits ?! »

Exemple concret dans les bibliothèques de Rennes, représentées par Malik Diallo. Elles fonctionnent en réseau, ce qui constitue une force, mais aussi une faiblesse, un brouillage entre les bibliothèques de quartier et celle de la métropole. Le réseau vient donc d’établir une charte graphique « qui permet d’avoir identité commune ».

Ne plus faire la publicité d'animations précises ?

But ultime de la communication : « Ne pas dire seulement “venez voir ce que la bibliothèque a produit”, mais “on vous accueille et à vous de vous donner rendez-vous dans l’équipement”. Plus seulement être dans le push, mais se faire relayer. » Que les habitants deviennent ambassadeurs de la bibliothèque. Et le signe ultime du succès, sourit Clément Oury, directeur de l’Humathèque, directeur général adjoint du Campus Condorcet : quand l’Humathèque est déclinée en verbe par les étudiants : « "Tu fais quoi après ? Je vais humathéquer !" »

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