26 OCTOBRE - ÉCONOMIE Hongrie

Karl Polanyi- Photo DR/FLAMMARION

Le sous-titre est clair : La place de l'économie dans l'histoire et la société. Pour Karl Polanyi (1886-1964), cette situation est unique. Et on pourrait ajouter inique. Cet intellectuel qui eut une grande influence sur ses étudiants lorsqu'il enseignait à l'université de Columbia à New York constatait que la domination de la société par l'économie était un phénomène inédit et inquiétant. Les observations de cet économiste hongrois qui a émigré en Angleterre puis aux Etats-Unis après l'arrivée d'Hitler au pouvoir n'ont fait qu'être validées au regard des crises successives.

Réfutant tout à la fois le marxisme et le néolibéralisme, Polanyi relève d'un courant que l'on appelle substantialiste, mais que l'on pourrait tout aussi bien résumer à une sorte d'humanisme économique. En 1944, il fait paraître La grande transformation, une histoire du capitalisme du XVe siècle à la Seconde Guerre mondiale qui ne fut traduite en français qu'en 1983 chez Gallimard.

Servi par une vaste érudition, il montre que l'économie de marché n'est pas dans le propre de la nature humaine. On aura beau prétendre que les Sumériens avaient le calcul dans le sang, cela ne fait pas de l'économie de marché un trait déterminant de la civilisation. Depuis le XIXe siècle, on considère que ce système obéit à des lois indépendantes des cultures humaines et qu'il faudrait s'y soumettre. Ce que Polanyi réfute avec force, en multipliant les exemples tirés du passé.

La subsistance de l'homme ne passe pas par cette option d'une société de marché. C'est le sens de cet ouvrage inédit en français et inachevé qu'il nous est donné de lire aujourd'hui. L'économie de marché n'est qu'une construction socio-historique qui a transformé la terre, le travail et la monnaie en marchandises. Lorsque le système s'emballe, les Etats interviennent avec plus ou moins d'efficacité, et la machine redémarre de plus belle après l'incident. Jusqu'au prochain pépin.

Certes, sans économie, il n'y aurait pas de société, mais la société ne se résume pas à l'économie. Voilà pourquoi, dans son exploration méthodique, Polanyi fait appel à l'histoire, à la sociologie, à l'anthropologie. Bien que publié en 1977 aux Etats-Unis, une époque sans Internet, sans ordinateurs omniprésents, sans numérique, un monde avant l'explosion des pays émergents et la suprématie de la Chine, La subsistance de l'homme reste un ouvrage passionnant et très pertinent par les nombreuses pistes qu'il ouvre dans la compréhension des rapports de l'homme avec l'argent, notamment par ses analyses de la situation dans l'Antiquité.

Les livres de cette intelligence sont rares. Ils permettent de replacer l'économie dans l'ordre des choses : elle fait partie intégrante de l'histoire des hommes mais n'en est pas le moteur essentiel.

Les dernières
actualités