Vivendi / Lagardère

Daniel Kretinsky : dans les pas de Jean-Luc Lagardère

Daniel Kretinsky - Photo DR

Daniel Kretinsky : dans les pas de Jean-Luc Lagardère

Dans le cadre de la reprise du groupe Editis, la Commission européenne annonce le report au 14 juin de sa décision. A la mi-mars, Daniel Kretinsky, via sa holding IMI (International Media Invest), était entré en négociations exclusives avec Vivendi pour acquérir entièrement le n°2 de l’édition française. L’homme d’affaires tchèque de 47 ans, qui a fait fortune dans l’énergie, a commencé sa percée dans les médias français en 2018. Le francophile a un dessein : former un géant français du contenu culturel multimédia international. Présentation. 

 

 

J’achète l’article 1.5 €

Par Éric Dupuy
Créé le 06.04.2023 à 16h09

Après l’annonce de l’entrée en négociations exclusives entre Vivendi et International Media Invest (IMI) du tchèque Daniel Kretinsky, l’enquête sur la cession d’Editis, ouverte en octobre dernier par la Commission européenne, se poursuivra jusqu’au 14 juin.

Pressenti à la reprise d’Editis, sur laquelle il s’est positionné avant l’ouverture officielle de l’enquête de Bruxelles, Daniel Kretinsky pourrait acquérir l’intégralité du numéro deux de l’édition française. Ceci après sa récente hausse de participation au capital de Fnac-Darty, désormais portée à 25%. Retour, en quelques dates marquantes, sur le parcours de l'homme d'affaires tchèque.  

Lire aussi : Daniel Kretinsky prend 25% de Fnac-Darty

 

  • 1999-2012  Un milliard à contrecycle. Né en 1975 dans la seconde ville de Tchécoslovaquie, Brno, de parents professeurs (droit pour la mère, informatique pour le père), Daniel Kretinsky fait ses études de droit à Prague et passe un semestre à l’Université de Dijon en 1995 avant d’intégrer en 1999 la société d’investissements d’origine slovaque J&T comme juriste. Son sens des affaires l’amène à gérer des fusions-acquisitions puis à devenir associé du cabi-net dès 2003, date à laquelle il investit directement pour la première fois dans une entreprise de latex. Très vite, son instinct le porte vers les secteurs à contrecycle, tel que l’énergie fossile qui semble vouée, au mitan des années 2000, à un avenir restreint. Kretinsky rachète à bas prix des usines de production de gaz et de charbon. Soutenu par ses associés de J&T, il fonde EPH (Energetický a průmyslový holding) en 2009, dont il prend la présidence et monte au capital jusqu’à réaliser l’affaire qui va lui permettre d’engranger son premier milliard de fortune personnelle : le rachat à Gaz de France en 2012 de 49% d’Eus-tream, qui exploite le gazoduc entre l’Ukraine et la France. Un premier pas vers son destin français…

 

  • 2013 - L’appel des médias et la création de CMI. En 2013, Daniel Kretinsky se lance dans la presse en créant Czech Media Invest (CMI) dont il détient 50 % des parts et qui rachète l’activité tchèque du groupe international Ringier Axel Media AG, valorisée alors à 170 M€. Le portefeuille est composé des journaux Blesk, Aha! et Sport ainsi que des magazines Reflex, ABC, GEO, Blesk, pro ženy, Blesk Hobby, Svět motorů et d’autres extensions et suppléments en ligne. Suivront ensuite des acquisitions de médias en Pologne en 2018, toujours au groupe Lagardère (revendus six mois après en 2019 au groupe polonais Agora), et des participations en Allemagne en 2019 (ProSiebenSat.1) en parallèle de son entrée dans les médias français. 

 

  • 2017 – 2021 Immersion dans l’édition… en République Tchèque. En 2017, Daniel Kretinsky, encore accompagné par son mentor Patrik Tkàc (le « T » de J&T), s’engage aux côtés du cabinet americano-tchèque Rockaway Capital pour acquérir Euromedia Group, 2e éditeur-distributeur de ce pays dont l’édition représente en 2019 quelque 310 millions d’euros de chiffre d’affaires, selon une étude du Bief (Bureau international de l’édition française). Son investissement est axé sur la stratégie de digitalisation du secteur, qui représente une publication de 15 300 titres par an. En 2021, Rockaway acquiert l’ensemble du groupe qui détient également la plus grande librairie d’Europe centrale, Palac Knih Luxor, sur la place Venceslas de Prague.

 

Kretinsky CMI
Editis : nouvelle étoile de la constellation France de CMI ?
  • 2018 - Une entrée remarquée dans la presse française À la suite du rachat des médias du groupe Lagardère en Pologne, CMI engage, en moins de six mois, l’acquisition des titres du groupe en France (hors JDD, Paris Match et Europe 1), de l’hebdomadaire Marianne et des participations indirectes dans le groupe Le Monde. Daniel Kretinsky, dont la fortune est alors estimée à 2,3 Mds€ selon Forbes, développe CMI France, filiale de CMI, et place à sa tête Denis Olivennes. En 2021, le groupe lance l’hebdomadaire d’opinion Franc-Tireur qui revendique fin 2022 40 000 abonnés dont la moitié en abonnement numérique. En 2022, CMI France a réalisé 220 M€ de chiffre d’affaires, revendiquant un taux de rentabilité de près de 10%.

 

  • 2023 - Combien peut-il acheter Editis et pour  en faire quoi ? Dans la publication de ses comptes 2022, Vivendi a indiqué que « la valeur recouvrable d’Editis était inférieure à sa valeur comptable au 31 décembre 2022 », conduisant à une « dépréciation de l’écart d’acquisition de 300 millions d’euros ». Acheté 829 millions d’euros dont 200 millions de dette en 2019, sa valeur serait ainsi estimée à 529 millions d’euros. En début d’année, le rapport du cabinet Secafi Alpha, mandaté par le  CSE d’Editis, valorisait le groupe entre 500 et 675 millions d’euros. Daniel Kretinsky n’est pas réputé pour acquérir ses entreprises au prix fort. Cette rationalité économique l’a freiné dans plusieurs opérations, notamment celle du rachat de M6 en 2022. Dans l’univers de la presse, son interventionnisme se limite essentiellement aux fonctions supports, notamment dans la gestion financière, domaine dans lequel ses équipes excellent. Contrairement à des investisseurs comme Patrick Drahi ou Xavier Niel, le Tchèque ne recherche pas les synergies, préférant additionner les entreprises en les restructurant une à une. Avec la branche éducation d’Editis, Kretinsky tient une activité cyclique. Aidé par son cash-flow issu des activités énergétiques, il pourrait investir dans le numérique, un levier important pour le développement du n°2 français de l’édition. Quel que soit le deal réalisé entre Vivendi et CMI, si Daniel Kretinsky – dont la fortune est estimée aujourd’hui à 7,3 Mds€ selon Forbes – acquiert Editis, il dépassera le milliard d’euros de participation dans l’industrie française de la communication.

 

L’homme fort de Kretinsky en France : Denis Olivennes

Les dernières
actualités