Roman/Israël 13 février Avraham B.Yehoshua

Ce n'est rien. Peut-être juste une absence. A 73 ans, ingénieur en travaux publics à la retraite depuis cinq ans, Zvi Louria n'est pas habitué à ne rien faire. Du moins rien qui ne fasse appel à son savoir-faire. Alors parfois, il n'est plus tout à fait là. Ce sont d'abord des prénoms qui lui échappent et, un jour, au jardin d'enfants où il allait pour rechercher son petit-fils, il manque repartir avec un gosse qui ne fait que lui ressembler. La distraction pouvant être l'autre nom de la maladie, sa femme Dina, une brillante pédiatre (elle, encore en activité), le convainc de consulter un neurologue. Le diagnostic sera sévère. Il y a quelque chose dans son cerveau. Quelque chose d'encore minime, peut-être bénin, mais quelque chose qui n'incite pas à considérer l'avenir avec sérénité.

Pour Zvi, le mot de démence, que nul ne veut prononcer, flotte comme une menace. Pour y remédier, Dina convainc son mari de proposer ses services à son ancienne entreprise, fût-ce à titre bénévole. Zvi va donc collaborer avec Assaël, le fils d'un ancien collègue à lui, pour la construction d'une route secrète dans le désert du Néguev. Si la transmission entre les deux hommes se fait de manière plus réciproque que prévu, ils découvrent sur le chantier une situation qui va mettre à rude épreuve leur sens moral. Une famille de Palestiniens s'est réfugiée sur l'emplacement de la route. Plutôt que de la déloger, Zvi va proposer de construire un tunnel.

Le tunnel est donc le nouveau roman de cette « mère-pélican » de la littérature israélienne que demeure Avraham B. Yehoshua (il y avait avec lui Amos Oz, il reste David Grossman). Les lecteurs de MonsieurMani et de La mariée libérée (Calmann-Lévy, 1992 et 2003), ou de Rétrospective (Grasset - Calmann-Lévy, 2012, prix Médicis étranger), y retrouveront toute sa force romanesque, son goût d'une certaine forme de frontalité ne s'embarrassant pas à l'excès de considérations stylistiques. Mais, ce Tunnel se teinte d'une couleur nouvelle, assez bouleversante, où la douceur se conjugue à la mélancolie. Et, il interroge de manière plus aiguë que jamais les errances et les échecs de son pays. Ce vieil homme qui hésite dans le soir et craint d'oublier jusqu'à son identité, bien sûr c'est Israël.

Avraham B. Yehoshua
Le tunnel - Traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche
Grasset
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 22,90 euros ; 432 p.
ISBN: 9782246818267

Les dernières
actualités