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Dossier Bande dessinée : le sens de la mesure

Olivier Dion

Dossier Bande dessinée : le sens de la mesure

Si 2015 a été une très bonne année pour les éditeurs de bande dessinée qui se retrouveront du 28 au 31 janvier au 43e Festival d’Angoulême, elle a aussi été marquée par une mobilisation des auteurs et une réflexion sur l’avenir du secteur. En 2016, rien ne sera laissé au hasard pour lutter contre ses trois maux : l’hyperpolarisation, la saisonnalité et la surproduction, et recruter de nouveaux publics.

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Par Anne-Laure Walter
Créé le 22.01.2016 à 01h08 ,
Mis à jour le 22.01.2016 à 14h18

L’année 2015 a été riche d’enseignements pour le secteur de la bande dessinée. Les signes positifs qui rendaient les éditeurs optimistes il y a un an se sont transformés en résultats. Le marché de la bande dessinée a progressé de 3,5 % en euros courants sur les neuf premiers mois de l’année d’après nos données Livres Hebdo/I+C (le bilan de l’année complète sera connu fin janvier). Une année avec un nouvel Astérix et son 1,62 million d’exemplaires vendus en deux mois est forcément, par comparaison avec la précédente, en progression, surtout lorsque s’ajoutent le retour gagnant de Corto Maltese sous la plume de Juan Díaz Canales et Ruben Pellejero chez Casterman, et des blockbusters annoncés comme Largo Winch ou Titeuf dont les nouveautés se sont mieux comportées que le précédent tome (+ 10 % pour chacun d’après nos données GFK/Livres Hebdo). L’activité du rayon a été par ailleurs soutenue par le succès du deuxième volume de L’Arabe du futur de Riad Sattouf et des titres en écho avec la triste actualité de l’attentat qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 : les intégrales des unes du journal satirique ou les ouvrages des dessinateurs disparus, l’émouvant Catharsis de Luz ou l’album conçu par l’ensemble des éditeurs du secteur, La BD est Charlie.

Photo OLIVIER DION

Si la bande dessinée franco-belge tire le marché en 2015, l’ensemble des genres a porté le secteur, puisque le comics poursuit sa croissance et que le manga redémarre. La plupart des acteurs en bénéficient. Pour Julien Papelier, le directeur général de Média Diffusion, qui diffuse Dargaud, Dupuis, le Lombard, Kana et Urban Comics, "le groupe termine l’année en croissance. S’il y a eu un ralentissement extrême après les attentats de novembre avec une chute du trafic dans les centres commerciaux, décembre s’est finalement révélé très fort." La période des fêtes, dopée par les gros tirages, a été particulièrement dynamique sur ce rayon. D’ailleurs, les librairies spécialisées de Canal BD annoncent pour l’ensemble du réseau une progression de 9 % sur le dernier mois de 2015. Dans le détail, selon Média-Participations, tandis que pour des raisons programmatiques Dargaud voit ses ventes reculer de 9 % en l’absence d’un Blake et Mortimer ou d’un Lucky Luke qui avaient stimulé 2014, celles de Dupuis progressent de 14 % grâce à Largo Winch, Seuls ou Les Tuniques bleues mais aussi avec de nouvelles séries, comme Les Minions, Dad ou Roger et ses humains du youtubeur Cyprien. Le Lombard connaît une mauvaise année, ses ventes reculent de 8 % selon Média-Participations, mais il entend se rattraper en 2016 où la maison fêtera ses 70 ans avec une programmation ambitieuse. Casterman annonce gagner 5 % en part de marché, s’appuyant notamment au Chat de Geluck ou au nouveau Corto Maltese (200 000 exemplaires). Glénat termine 2015 à + 7 % selon son directeur général Jean Paciulli, grâce à Titeuf bien sûr, mais était déjà bien engagé à l’issue du premier semestre avec plusieurs titres qui ont passé les 50 000 exemplaires. Bamboo finit avec une augmentation de son CA de 8 % en dessous des prévisions de son P-DG Olivier Sulpice qui misait beaucoup sur l’effet du deuxième film adapté des Profs sur les ventes des nouveautés ou l’impact de la Coupe du monde de rugby sur la série Les rugbymen. Quant au groupe Delcourt (Delcourt et Soleil), il a réalisé une très bonne année, légèrement en dessous des records de 2014 annonçant une contraction de son CA de 2 %, avec une bonne tenue des Légendaires, un décollage chez Soleil de l’univers elfes et nains, mais finalement "sans titre qui se détache particulièrement". "C’est la globalité du catalogue qui a porté l’année, ce qui est rassurant pour notre pérennité", constate le P-DG Guy Delcourt insistant sur le "travail de gestion approfondi des mises en place et réassorts" qui a été effectué "pour améliorer [leur] performance".

Rééquilibrer la production

"Le public est fidèle aux séries connues mais a du mal à se porter sur de nouvelles propositions. Or la découverte est notre avenir et donc notre fer de lance." Guy Delcourt, groupe Delcourt- Photo OLIVIER DION

Car ces bons résultats ne font pas oublier les points faibles sous-jacents du marché de la bande dessinée tel qu’il a muté. L’année écoulée a été l’occasion d’une réflexion en profondeur sur le secteur, ses transformations et les conséquences sur les auteurs, dont le plus grand nombre constatent une dégradation de leurs revenus. Cette prise de conscience a pris la forme d’états généraux de la bande dessinée lancés à Angoulême en janvier 2015. "Il faut se méfier des apparences, je suis d’un naturel optimiste mais il y a des inquiétudes à avoir", relève Moïse Kissous, P-DG de Steinkis (Jungle, Steinkis, Vraoum !), qui tire un bilan mitigé de son année mais adapte son catalogue pour équilibrer sa production avec autant de créations que d’adaptations. L’édition de bande dessinée souffre d’une crise de croissance dont les symptômes sont, comme le résume Thierry Capot, le P-DG de Fluide glacial et de Futuropolis, "l’hyperpolarisation, la surproduction et la saisonnalité"."L’équilibre économique est complexe à trouver car nous dépendons de plus en plus de quelques gros titres, même au sein de notre petit catalogue, ajoute Thierry Laroche qui s’occupe de Gallimard BD. Nous sommes par conséquent plus fragiles et cette best-sellerisation est particulièrement dure pour les auteurs." La polarisation autour de personnages cultes du 9e art et de blockbusters laisse peu de place à la découverte. "Le public est fidèle aux séries connues mais a du mal à se porter sur de nouvelles propositions. Or la découverte est notre avenir et donc notre fer de lance", affirme Guy Delcourt, qui souligne cependant la bonne surprise qu’a constituée Le grand méchant renard de Benjamin Renner, paru en début 2015 accompagné d’une édition collector à Noël, immédiatement épuisée.

La production semble mieux maîtrisée. Le nombre de nouveautés, qui avait baissé pour la première fois en 2013 avant de remonter en 2014, s’est stabilisé selon la base Electre. Une accalmie qui permet aux éditeurs de mieux travailler chaque titre. Deux ans après la création de Rue de Sèvres, Louis Delas, son directeur général, "très heureux de la situation en tout point conforme au projet de départ avec l’auteur au centre de notre politique", se concentre sur 35 titres par an. "L’industrialisation du métier est une impasse selon moi", clame-t-il. 36 nouveautés aussi chez Futuropolis. "Nous avons essayé de faire plus mais on se concurrençait nous-mêmes, raconte le directeur éditorial, Sébastien Gnaedig. Nous publions de la BD d’auteurs et nous avons besoin de temps pour accompagner le livre."

Parmi les bonnes résolutions de 2016, les éditeurs s’engagent à mieux étaler sur l’année les parutions à fort potentiel. Dargaud annonce par exemple le volume 24 de XIII au premier semestre. Car selon le rapport de Gilles Ratier de l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD), "avec 38,3 % de la production annuelle qui sort entre septembre et décembre, la rentrée est de plus en plus encombrée. 137 des 287 tirages au-dessus de 25 000 exemplaires sont ainsi édités sur les quatre derniers mois de l’année." Chez Casterman, l’un des enjeux en 2016 réside dans ce rééquilibrage des sorties avec un premier semestre solide, selon sa P-DG, Charlotte Gallimard. L’année qui débute par un déménagement dans le quartier Saint-Lazare dans "une maison d’édition qui ressemble à une vraie maison pour les auteurs", précise-t-elle, sera marquée par un nouveau Chat de Philippe Geluck sur l’art dès février avant celui d’octobre et un Tardi, Dernier assaut, en avril. Avec un exercice qui se termine le 30 avril, Rue de Sèvres programme aussi des rendez-vous forts dès le premier semestre avec l’entrée au catalogue de Joann Sfar en avril, qui signera un album "entre Woody Allen et Corto", selon Louis Delas, et un nouveau Zep pour les adultes en mai, Un bruit étrange et beau. Comme les deux précédents tomes, le troisième volume de L’Arabe du futur de Riad Sattouf paraîtra en juin chez Allary, six mois après le premier tome de la nouvelle série de l’auteur, Les cahiers d’Esther.

Les libraires en première ligne

"L’enjeu est de communiquer auprès des libraires en parallèle du travail des représentants." Thierry Capot, Fluide glacial et Futuropolis- Photo OLIVIER DION

Ce saupoudrage de locomotives des ventes tout au long de l’année fait partie des demandes récurrentes des libraires. Ces derniers, surtout ceux de centres-villes, ont été l’un des relais clés de la croissance du secteur en 2015. Si le directeur général de Glénat, Jean Paciulli, n’a pas encore tout le détail par circuits, il pressent que tout au long de l’année, notamment en décembre, "les achats se sont plutôt effectués sur les librairies de proximité". Pour plusieurs titres classés parmi les meilleures ventes de 2015, comme L’Arabe du futur 2 de Riad Sattouf ou Catharsis de Luz, les libraires de premier et deuxième niveaux réalisent selon GFK les deux tiers des ventes, et ces circuits représentent même les trois quarts des achats du troisième tome des Vieux fourneaux de Lupano (Dargaud), qui s’est écoulé à 94 000 exemplaires en sept semaines. La série atteint d’ailleurs en cumulé les 450 000 exemplaires. Alors, pour soigner ce réseau, Média Diffusion a mis en place un programme, "Super libraires", qui réunit deux fois par an ses partenaires privilégiés pour un séminaire. Le diffuseur propose depuis un an et demi un magazine, Le pitch, à distribuer aux clients et personnalisable par chaque enseigne, qui réunit des articles sur les parutions des diffusés. Il a aussi créé un programme Izneo pro pour permettre aux libraires de lire les "à-paraître" au format numérique. Thierry Capot constate aussi la nécessité de pouvoir donner des éléments en amont, épreuves ou PDF, aux libraires pour les aider à ajuster leurs commandes et note que "l’enjeu est de communiquer auprès d’eux en parallèle du travail des représentants".

Les libraires, malgré la contraction de la production, croulent toujours sous les nouveautés et peinent à maintenir des séries complètes en magasin. Le problème du fonds n’est pas nouveau puisque, comme le rappelle le directeur général de Média-Participations, Claude de Saint Vincent, "le nombre de nouveautés a été multiplié par 10 en trente ans et le marché par 2". Intégrales, nouvelles éditions, les éditeurs du groupe utilisent les stratagèmes classiques pour faire du neuf avec du vieux tandis que les équipes commerciales programment des opérations spéciales. Chez Madrigall, Fluide glacial qui fêtait ses 40 ans en 2015 a réexploré les grandes séries de son fonds en proposant 12 titres emblématiques dans une collection labellisée "40 ans", un tirage épuisé qui a permis de "faire de belles reconquêtes en librairie", selon Thierry Capot. En 2016, il ambitionne d’initier de nouveaux lecteurs à Gai-Luron. Les 10 albums de Gotlib seront réédités et en septembre 2016 paraîtra une nouveauté avec FabCaro et Pix aux commandes. Proposer à un auteur d’apporter sa vision à une série classique constitue une des grandes tendances de la bande dessinée et l’on verra ainsi en fin d’année Jul s’emparer de Lucky Luke, Xavier Dorison de Thorgal tandis qu’en mars Cosey ou Lewis Trondheim et Nicolas Keramidas s’immergeront dans l’univers de Disney. En effet, ils inaugurent la réjouissante collection "Disney by Glénat" (4 titres en 2016) où des auteurs français de renom vont pouvoir s’emparer des aventures de Mickey et ses amis.

Plusieurs collections connaîtront un lifting à l’instar d’"Ecritures" (Casterman) qui, quatorze ans après sa création, revoit ses maquettes comme on pourra le découvrir avec la biographie de Joséphine Baker par Catel et Bocquet. Benoît Mouchart, le directeur éditorial de Casterman, qui œuvre pour "susciter à nouveau le désir des auteurs", qualifie le catalogue d’"arbre généalogique" et insiste : "il faut renforcer nos racines". Ainsi, Chninkel va connaître une nouvelle édition avec une couverture inédite de 1987 découverte chez Artcurial et une maquette inspirée du comics. La série Nestor Burma va être mieux identifiée avec l’apposition d’un logo sur les couvertures. Un travail de marque semblable à celui effectué cette année sur le fonds Corto Maltese, qui a progressé de 50 % en 2015.

Parents prescripteurs

Enfin, le secteur prépare l’avenir et plusieurs acteurs concentrent leurs efforts sur la cible des 8-12 ans. Quand les enfants et leurs parents s’emparent d’une série, le succès peut être grand à l’instar dernièrement de Seuls (Dupuis), Lou (Glénat) dont le tome 7, décalé, devrait paraître en 2016, des Légendaires dont Delcourt publiera une nouvelle série dérivée fin mars, Légendaires parodia, ou des Carnets de Cerise (Soleil) qui réalise maintenant 100 000 exemplaires par tome. La collection "Miss Jungle" totalise 500 000 volumes vendus depuis son lancement grâce à Mistinguette ou Les filles au chocolat et a bénéficié en 2015 du démarrage d’Enola Holmes tandis que les Sisters chez Bamboo continuent de séduire les petites filles en attendant deux nouveaux tomes de Mes cop’s et le lancement d’une série pédagogique sur Napoléon en avril. Editeur jeunesse, Sarbacane qui poursuit sa collection BD articulée autour de deux axes ado-adulte et jeunesse a connu l’an passé une progression des ventes de 35 % avec un nombre de titres constant. Gallimard BD reste particulièrement présent au rayon BD jeunesse avec en 2016 beaucoup de nouvelles séries, à commencer par Shaker Monster avec Mr Tan au scénario et Mathilde Domecq (Paola Crusoé, Glénat) ou Winshluss pour Le voyage d’Angelo avant l’été. Casterman fait revivre Dracunaze, le vampire découvert dans Astrapi il y a une dizaine d’années, en relançant fin janvier Maudit manoir de Paul Martin. Pour toucher ce bassin de lecteurs potentiellement très large, le groupe Média-Participations via Média Diffusion a fait une grosse opération promotionnelle à destination de cette cible avant l’été car "selon une étude, les 8-12 ont tendance à moins lire de bande dessinée", explique Julien Papelier. "Il n’y a pas moins d’appétence pour la bande dessinée aujourd’hui, il y a plus de sollicitations et moins de temps. Il faut créer des occasions pour mettre entre les mains ce livre trangénérationnel qu’est l’album de BD", précise Claude de Saint Vincent. Et pour aller vers ce public, le groupe s’est calé sur Lire en short et a mis en place un million de tomes 1 d’albums du fonds, plus ou moins récents (80 % de stars, 20 % de jeunes pousses) vendus au prix cassé de 3 euros. L’opération sera réitérée en juin 2016 avec des albums toujours jeune public mais pour un prix un peu supérieur. Les 48 Heures de la BD en avril veulent aussi, en distribuant des albums de 13 éditeurs (sans Fluide glacial et Futuropolis mais avec Kana et Kazé en 2016) à un euro symbolique aux clients des librairies, recruter des non-lecteurs. Elles évolueront cette année avec le développement d’actions culturelles, mission menée par Bertrand Morisset, par ailleurs directeur du développement de Livre Paris. "Pour l’instant l’opération est perçue à tort comme uniquement promotionnelle, explique Moïse Kissous à l’initiative des 48 Heures de la BD. Nous voulons poursuivre le partenariat initié en 2015 avec les écoles et les bibliothèques."

Car les éditeurs doivent aussi toucher les prescripteurs, et avant tout les parents. Selon Julien Papelier, "le problème de la bande dessinée jeunesse, c’est qu’elle est dans le rayon BD et rarement en jeunesse". Un obstacle que Rue de Sèvres contourne en jouant la synergie avec sa maison mère, l’Ecole des loisirs. "La légitimité des auteurs de l’Ecole des loisirs en librairie jeunesse entraîne dans son sillage la BD jeunesse de Rue de Sèvres", confirme Louis Delas qui annonce, après l’adaptation de certains univers phares comme les Quatre sœurs ou le Chat assassin, la parution en 2016 du Journal d’Aurore de Marie Desplechin et Agnès Maupré. Et le catalogue est présenté dans les collèges auprès des médiateurs pour que certains albums puissent être l’objet d’un travail avec les élèves. "Nous mettons à profit le réseau de L’Ecole des loisirs", indique Louis Delas. Enfin, la nouvelle génération de lecteurs pourra aussi s’initier comme ses aînés via des revues puisque débarquent en librairie Groom, revue semestrielle d’actualité lancée par Dupuis, et à la rentrée 2016, Topo, petite sœur de la revue d’actualité La Revue dessinée.

La bande dessinée en chiffres

Nouvelle donne pour le manga

Grégoire Hellot, Kurokawa- Photo OLIVIER DION

Les cartes semblent rebattues dans l’édition de manga, qui a renoué en 2015 avec la croissance (+ 8 % selon GFK) après cinq ans de baisse du marché. Indice possible du renouveau du secteur, les deux séries éditées par Shueisha qui ont réalisé les meilleurs démarrages au Japon n’ont pas été acquises par un des trois leaders français (Glénat, Pika ou Kana), mais par deux challengers : Kurokawa qui s’est vu attribuer One punch man tandis que Ki-oon a pu acheter My hero academia, qui serait le "nouveau Naruto". Par ailleurs, chez les divers acteurs du secteur, la fin de 2015 a été marquée par des bouleversements au niveau des directions éditoriales, ce qui aura pour conséquence d’infléchir les lignes de ces éditeurs. Kim Bedenne, directrice éditoriale de Pika, est retournée au Japon pour ouvrir le bureau de Ki-oon à Tokyo. Mehdi Benrabah qui était chez Kazé l’a remplacée, tandis que Pierre Valls, ex-directeur éditorial de Pika arrivé chez Delcourt manga fin 2013, a pris sa suite à la tête du département livres de Viz media. Enfin, Stéphane Ferrand, qui a quitté Glénat à la rentrée, est remplacé par Satoko Inaba, dans la maison depuis sept ans.

Le marché a donc muté et redémarre en ayant mûri avec moins de blockbusters, l’émergence de plus de séries de milieu de gamme et une proposition éditoriale transformée. "A l’approche de la fin de Naruto, nous sommes finalement parvenus à endiguer la baisse du marché", analyse Grégoire Hellot, directeur de collection chez Kurokawa, annonce une progression de 13,6 % et a su réorienter sa ligne depuis l’arrêt du hit de la maison Fullmetal alchemist. "La première génération de lecteurs de mangas va désormais sur sa trentaine-quarantaine, et consomme moins de mangas qu’auparavant. Ils sont par contre plus exigeants et souhaitent des mangas originaux et moins longs." Cette évolution du lectorat se traduit par la montée en puissance du seinen, le manga destiné à un public plus adulte, qui représente un quart des 50 séries les plus vendues en 2015 selon GFK. Les trois leaders du marché ne s’y trompent pas. A + 12 % sur 2015 selon Jean Paciulli, Glénat, qui bénéficie toujours du phénomène One piece malgré une légère baisse du niveau global, se rattrape notamment grâce au seinen Tokyo ghoul. Kana, qui fêtera ses 20 ans en 2016, va développer cet axe tout en préparant la publication du 72e et dernier tome de Naruto annoncé en novembre. Quant à Pika, qui chiffre sa croissance à 20 % en 2015 grâce à L’attaque des titans (400 000 volumes vendus dans l’année), il publie dans la collection "Pika seinen" le spin off L’attaque des titans : junior high school.

A guetter en 2016

Des revues. Chez Casterman en avril, Pandora, du nom de la fiancée de Corto Maltese, mise sur la fiction. Un peu comme une revue de nouvelles mais sous forme dessinée, Pandora ouvrira ses pages deux fois par an à des auteurs français ou étrangers comme Blutch, Brecht Evens, Otomo, Bastien Vivès… Par ailleurs, Topo, la petite sœur de La Revue dessinée, arrivera le 28 août. Ce bimestriel d’actualité destiné aux adolescents est piloté par Emma Huon-Rigaudeau et Cizo à la direction artistique, Laurence Fredet et Charlotte Miquel, à la rédaction en chef, et des auteurs comme Nine Antico, Benjamin Bachelier ou Marion Montaigne, sont au sommaire du premier numéro.

Des anniversaires. Pour ses 20 ans, Kana boucle la boucle en novembre avec le dernier tome de Naruto. Les éditions Delcourt fêteront leurs 30 ans fin mai. Pour l’anecdote, Guy Delcourt éditera un livre de Lolita Séchan (la fille du chanteur Renaud) trente ans jour pour jour après la publication du premier succès de la maison, La bande à Renaud. Et Le Lombard fêtera ses 70 ans en investissant le rayon sciences humaines avec "La petite bédéthèque des savoirs", collection de bandes dessinées didactiques qui associe un dessinateur à un spécialiste.

Du grand écran… Plusieurs adaptations sont attendues tout au long de l’année, à commencer par la suite de Joséphine, issue des BD de Pénélope Bagieu : Joséphine s’arrondit, réalisé par Marilou Berry, arrivera sur les écrans le 10 février. Côté comics, on attend Deadpool (10 février), Batman v Superman : L’aube de la justice (23 mars), Captain America 3 : Civil war 3 (27 avril), Suicide Squad (3 août), Gambit avec Channing Tatum (12 octobre) et Doctor Strange avec Benedict Cumberbatch (26 octobre). L’adaptation par Angelin Preljocaj de Polina, l’album de Bastien Vivès, pourrait arriver avant la fin de l’année. De quoi patienter jusqu’à l’été 2017 quand Luc Besson s’emparera de Valérian.

… au petit écran. Le professeur Moustache de Tu mourras moins bête par Marion Montaigne (Delcourt) prend la voix de François Morel dans une série (30 épisodes de 3 minutes) diffusée tous les soirs jusqu’au 28 février sur Arte. Boule et Bill en 3D, produit par Mediatoon, arrivera à partir des vacances de février sur France 3 (52 épisodes de 13 minutes).

Et des cimaises. Pour sa première exposition dédiée au neuvième art, le Grand Palais choisit Hergé, pour une rétrospective du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017.

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