Avant-critique Essai

Ernesto Che Guevara, "Marx et Engels : une synthèse biographique" (Au Diable Vauvert)

Che Guevara - Photo © 1959, Shutterstock

Ernesto Che Guevara, "Marx et Engels : une synthèse biographique" (Au Diable Vauvert)

Dans deux textes théoriques inédits, Ernesto « Che » Guevara définit sa conception du marxisme et de la révolution.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 23.11.2023 à 14h00

Marx, Fidel et le Che. Les cimetières, on le sait, sont pavés de bonnes intentions. Et l'on ne compte plus, à travers l'histoire, ces aventuriers qui, se croyant investis d'une mission démiurgique, ont décidé de faire le bonheur des hommes malgré eux, à coups de kalachnikovs et de cocktails Molotov, pour finir par des camps de concentration. Ernesto Guevara de la Serna (Rosario, Argentine, 1928 - Bolivie, 1967), surnommé le « Che » par ses compagnons d'armes cubains en raison d'un tic de langage, était de ceux-là. Mais il n'a pas accédé à la fonction suprême − heureusement, est-on tenté de dire −, préférant, en 1965, alors qu'il exerçait d'importants mandats à Cuba auprès de son ami Fidel Castro, partir reprendre la lutte armée, d'abord en Afrique, puis en Amérique latine, jusqu'à se faire tuer en Bolivie.

Petit-bourgeois argentin cultivé, médecin, Ernesto se forge très tôt une conscience révolutionnaire en lisant les œuvres de Karl Marx (1818-1883) poursuivies et achevées par Friedrich Engels (1820-1895). Il éprouve une vive admiration pour l'auteur du Capital, et pour son « humanisme » révolutionnaire, cette volonté de libérer l'homme des contraintes matérielles en rétribuant avec équité son travail. Au point de lui consacrer une sorte d'essai biographique, commencé à Dar Es Salam (Tanzanie) en 1965 et achevé à Prague en 1966. À la fois analyse de ses idées et hagiographie de celui qu'il appelle « Saint Karl », le texte, à la lumière du temps écoulé et de l'histoire terrible du XXe siècle, fait froid dans le dos. À aucun moment, Che Guevara ne fait référence, par exemple, à Staline, aux pogroms, aux millions de déportés, de massacrés, de morts de faim, à l'assassinat de Trotski...

Dès 1960, dans un autre texte livré ici en annexe, le Che tentait d'intégrer la révolution cubaine gagnée par Fidel Castro en 1959 au courant révolutionnaire marxiste. Tout en qualifiant ses compagnons et lui-même, non de théoriciens, mais de « révolutionnaires pratiques ». On a vu le résultat : si la révolution cubaine a permis de libérer le pays de la dictature de Batista, la marionnette des « yanquis », et tenté de construire une société plus juste, après réforme agraire, nationalisations etc., force est de constater son échec. Le régime est devenu à son tour une dictature féroce, l'économie est exsangue depuis des décennies, le peuple cubain est asservi et bâillonné. Si c'est cela, « transformer la nature » pour « changer la vie » comme l'ont fait Lénine et Mao, qu'il cite en « exemples à suivre », merci bien. S'il avait vécu, Che Guevara aurait peut-être pris ses distances avec ces écrits, à lire comme des curiosités, bien moins agréables que son Voyage à motocyclette, publié Au Diable Vauvert en 2021.

Ernesto Che Guevara
Marx et Engels : une synthèse biographique
Au diable Vauvert
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 15 € ; 144 p.
ISBN: 9791030705591

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