18 JANVIER - ROMAN France

Stéphanie Polack- Photo FRANCESCA MANTOVANI/STOCK

Pour son deuxième roman après Route royale (paru chez Stock en 2007), Stéphanie Polack a encore poussé le curseur d'un cran. Plus intense, plus torturé que le précédent, Comme un frère est une espèce d'autofiction, où l'écrivain se déguise en Diane, une fille compliquée qui a des comptes à régler avec la terre entière. Avec son psy, qu'elle voit deux fois par semaine et qu'elle accuse de l'escroquer parce qu'elle ne parvient pas à se confier à lui. Avec son copain Serge, un journaliste-écrivain avec qui elle a tissé une étrange relation amoureuse - sans sexe. Avec sa famille, des bourgeois juifs un peu déclassés dans les très chics Yvelines où ils vivent. Avec elle-même, surtout. Mal dans sa peau, solitaire, qui calme son angoisse dans de longues dérives automobiles, où elle roule pour le plaisir de rouler, vite et la musique à tue-tête, en espérant peut-être "voir la mer ».

Justement, c'est parce qu'il voulait "voir la mer », lui aussi, larguer les amarres de sa pauvre existence et du Tiburon, le voilier qu'il envisageait de se faire construire, qu'un certain Jacques Fesch, l'oncle par alliance de Diane, est devenu, en 1954, un criminel. Afin de se procurer l'argent de son rêve, ce jeune bourgeois désoeuvré, immature, n'a rien trouvé de mieux que de braquer un agent de change au 39 de la rue Vivienne, M. Silberstein. Après l'avoir violemment frappé, Fesch, dénoncé par son propre complice, s'est lancé dans une cavale meurtrière, tirant sur ses poursuivants, sur les passants, finissant par tuer un agent de police avant d'être arrêté. Jugé en 1957, condamné à mort, sa grâce rejetée par le président Coty, Fesch a été guillotiné le 2 octobre 1957. Il avait 27 ans et, semble-t-il, trouvé dans sa cellule la voie de la sainteté. Il fut même question de le béatifier.

Diane, elle, qui aurait tant voulu le connaître, refait l'enquête, cinquante ans après. Non point pour excuser Fesch, qu'elle traite sans arrêt de "petit con », mais pour tenter de comprendre ses motivations, son modus operandi, et aussi le déroulement de son procès. Son avocat, Paul Baudet, catholique et homosexuel, a-t-il adopté la bonne stratégie ? Pour ce faire, comme si elle était un "faux témoin", Diane-Stéphanie s'est documentée sur les années 1950, le contexte politique, la presse, les voitures et les armes à feu. Elle a minutieusement épluché les minutes du procès, fouillé dans la mémoire de sa famille - qui aurait sûrement préféré que cette histoire reste enfouie - et lu les lettres de Fesch, notamment à sa belle-mère, la grand-mère de Diane.

Comme un frère est un livre complexe, composite, dont se dégage une impression oppressante. A cause du style paroxystique de Stéphanie Polack, qui use et abuse d'anachronismes et de facilités (genre "pété de thunes »). Comme une bonne élève qui cochonnerait son devoir pour quelque obscure raison. Rarement quelqu'un a écrit avec autant de rage. Espérons qu'un jour elle parviendra à une beauté moins convulsive.

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