4 OCTOBRE - ROMAN République Tchèque

L'atelier du Diable débute comme un roman d'espionnage : le narrateur, sur la route de Prague, fuit sa ville natale, Theresien-stadt, nom allemand de Terezin où les nazis installèrent en 1941 un ghetto juif, étape vers les camps d'extermination. Il tente de rejoindre le Biélorusse Alex dans son pays. On va comprendre pourquoi.

Tout a commencé des années plus tôt avec Lebo, l'oncle du narrateur, né dans le camp à la fin de la guerre. Ce géant chauve en costume noir souhaitait "sauver la ville" et voulait que les uniques vestiges subsistants ne soient pas "le Mémorial et le sentier pédagogique imaginés par les forts en thème". Il a ainsi collecté toutes les traces, les objets, les messages sur les murs, que les enfants des derniers habitants trouvaient dans les ruines et les galeries souterraines. Plus tard, autour de Lebo, se forme le "Comenium", un squat-école autogéré, qui attire une catégorie particulière de touristes : "les chercheurs de bat-flancs", des jeunes gens, descendants de déportés du monde entier, torturés par la hantise du mal, qui viennent apaiser leurs cauchemars en écoutant la parole du survivant, devenu le médiatique "Gardien de Theresienstadt".

Sarah, Suédoise, dont les grands-parents ont péri là, est l'une des premières à décider "de vivre dans la ville de la mort". Puis à imaginer un plan de "revitalisation" financé par des dons et la vente de souvenirs : tee-shirts Kafka modifiés au pochoir, galets-amulettes avec, inscrit à l'encre indélébile, le numéro d'arrivée des touristes sur le site, "pizza ghetto"...

Derrière l'idéal "joyeux" du programme communautaire, le fond grotesque et macabre apparaît d'autant plus glaçant que le narrateur, une sorte d'innocent doux à la brutalité passive, déroule l'histoire sans recul. Et le froid monte ainsi en puissance, surtout dans la deuxième partie lorsque le héros rejoint à Minsk un groupe aux projets délirants.

Fable réaliste, noire et dérangeante sur les dérives de l'exploitation mémorielle de l'horreur, L'atelier du Diable concentre la vision pénétrante et sombre de cet auteur de 50 ans, qui fut l'une des figures de l'underground tchèque de l'après-68.

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