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Grandes surfaces culturelles : la course aux ouvertures

Le magasin Cultura de Bègles. - Photo Olivier Dion

Grandes surfaces culturelles : la course aux ouvertures

Avec la création de plus de 30 succursales en 2017, la concurrence entre les grandes enseignes s’accentue. Cultura et la Fnac s’affrontent pour la maîtrise des ventes

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Par Clarisse Normand
Créé le 03.11.2017 à 11h57

Sur l’ensemble de l’année 2017, Cultura aura créé 12 magasins en propre et Fnac Darty aura ouvert 15 Fnac franchisées en France. Le Furet du nord n’a ajouté qu’un point de vente à son parc mais pour la première fois il a tenté, avec Sauramps à Montpellier, de racheter une grande librairie hors de ses deux régions de prédilection, le Nord-Pas-de-Calais et l’Ile-de-France. Enfin, Espace culturel E. Leclerc a ouvert 3 magasins, et en a remodelé et agrandi 7 autres.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Plus de 50 000 m2 de surface commerciale auront ainsi été créés cette année par les grandes surfaces culturelles (GSC). Selon nos estimations, quelque 15 000 m2 sont dévolus aux livres. Un bel appel d’air pour les éditeurs qui voient arriver les commandes d’implantation. Chez Cultura, par exemple, "un magasin ouvre avec un minimum de 30 000 références", assure Jean-Luc Treutenaère, le directeur de la communication.

Sur un marché du livre en baisse de 1,8 % en cumulé sur la période janvier-septembre 2017, d’après nos données Livres Hebdo/I+C, les GSC se démarquent avec une croissance de 0,7% %. Les diffuseurs évaluent "l’effet parc" autour de 1,3 %. Même à périmètre comparable, les GSC affichent un gain de parts de marché. Ce circuit a absorbé l’impact des disparitions de Virgin et de Chapitre, en 2013 et 2014.

Mais la concurrence est rude pour les enseignes à la recherche de nouvelles terres de conquête, entre centres commerciaux, zones commerciales et galeries marchandes d’hypermarchés. La faute aux "loyers de centre-ville devenus inabordables", observe Pierre Coursières, P-DG du Furet du nord.

Cultura le challenger

Cherchant à occuper le terrain, Cultura fait, derrière la Fnac et Leclerc, office de challenger. Depuis sa création en 1998, il garde une stratégie claire d’implantation en périphérie avec une offre de produits et de loisirs culturels à destination des familles. Misant sur l’accessibilité des magasins et de l’offre, l’enseigne s’est imposée comme un commerce de destination fort dans les zones commerciales dépourvues d’offre en livres. "C’est la balade du samedi pour les familles", observe une directrice commerciale, désireuse, comme ses confrères, de garder l’anonymat. "Le groupe, qui consacre un tiers de son offre au livre, a contribué à développer le marché, enchaîne une de ses collègues. Aujourd’hui, il fait valoir sa montée en puissance dans les négociations commerciales."

A l’avenir, avec un rythme d’ouvertures plus mesuré qu’en 2017, Cultura n’en réaffirme pas moins son ambition de dépasser les 100 magasins en 2020, contre 85 fin 2017. Le groupe a même lancé un plan d’adaptation de ses structures qui se concrétisera l’an prochain. Très réactive aux tendances et aux opportunités, l’enseigne n’hésite pas à tester des formats et des offres. Après l’ouverture d’un commerce centré sur le livre dans le centre-ville de Brive-la-Gaillarde, elle a créé il y a un an un premier magasin de petit format (800 m2) dans une galerie marchande d’Auchan à Marsac-sur-l’Isle, près de Périgueux. "Un test", explique Jean-Luc Treutenaère, conscient que "l’hyperdistribution, actuellement en crise, tend à se recentrer sur ses métiers prioritaires et à lever le pied sur la culture."

Si l’expérience est positive, elle pourrait rendre plus frontale la concurrence entre Cultura et la Fnac. Cette dernière, déjà présente dans des galeries marchandes d’Intermarché, ouvrira aussi dans les galeries d’hypermarchés Carrefour : en décembre à Alençon et en avril 2018 à Flers-en-Escrebieux, près de Douai. Ces initiatives augurent-elles d’un partenariat entre la Fnac et Carrefour ? La question se pose d’autant plus qu’Alexandre Bompard, ex-P-DG de la Fnac, est maintenant à la tête de Carrefour.

La Fnac pousse les franchises

Premier vendeur de livres en France, avec à peine 20 % de son chiffre d’affaires réalisés par les produits éditoriaux, le groupe Fnac Darty entend poursuivre "une politique d’ouverture encore soutenue", assure Benoît Jaubert, le directeur d’exploitation. Ayant renoncé à son modèle de Fnac vertes, le groupe mise aujourd’hui sur les franchises qui lui offrent un développement rapide et à moindre coût. Cependant, précise Benoît Jaubert, "on ne s’interdit pas des ouvertures en propre".

Partenaire d’entrepreneurs locaux et d’adhérents Intermarché désireux de profiter de l’attractivité de l’enseigne, la chaîne se développe aujourd’hui dans de plus petites villes avec une offre réduite, mais elle joue en parallèle la carte du multicanal avec son site Internet. "Nous voulons renforcer notre différenciation par rapport aux pure players", argumente Benoît Jaubert.

La fusion Fnac-Darty et l’entrée cet été dans le capital du groupe, à hauteur de 24 %, de Ceconomy, champion allemand de la vente d’électroménager avec Planet Saturn et Media Markt, interrogent sur l’avenir du livre au sein de Fnac Darty. Mais pour le groupe coté en Bourse, le livre reste un bon pourvoyeur de trafic en magasin et offre des marges plus intéressantes que celles des produits technologiques et électroménagers. La Fnac continue d’ailleurs à investir dans le déploiement de son concept de librairie lancé en 2016 et destiné à valoriser les livres autour d’univers thématiques.

Les Espaces culturels Leclerc s’adaptent

Loin derrière la Fnac mais au coude à coude avec Cultura, l’enseigne Espace culturel E. Leclerc (ECL), qui fédère des adhérents indépendants, affiche une stratégie moins lisible car conditionnée par les contextes locaux. C’est ainsi qu’en 2016 Fabrice Faure, adhérent Leclerc de Périgueux, a repris Marbot, la grande librairie du centre-ville.

Après avoir fortement augmenté le nombre de points de vente au cours de la décennie 2000, avec parfois près de 30 ouvertures sur une année, le réseau des espaces culturels Leclerc a depuis ralenti sa croissance. "L’accent a davantage été mis sur l’adaptation des magasins existants au concept lancé en 2014 à Tarbes avec l’intégration d’équipement multimédia", explique Marie-José Cegarra, responsable du développement des ECL. Mais, dans certaines villes, l’offre des espaces culturels a été rapatriée dans l’hypermarché. Pour 2018, Marie-José Cegarra fait état de "onze projets d’ouverture et quatre de remodeling".

Le Furet national

Enfin, loin derrière, mais avec un mix-produits faisant la part belle aux livres, le Furet du nord ne cache plus ses ambitions nationales depuis sa tentative avortée de reprise de Sauramps. Restée longtemps dans le Nord-Pas-de-Calais, puis venue à partir des années 2000 en Ile-de-France, l’enseigne "veut essaimer en France et ne s’interdit pas de recourir à la croissance externe, assure son P-DG, Pierre Coursières. On est même les mieux placés et les mieux organisés pour fédérer les grandes librairies de grandes villes. L’objectif est de développer des marques localement, tout en leur apportant une mutualisation des services support et des achats."

Côté offre, le Furet du nord a aussi fait évoluer son mix-produits avec une proposition d’objets cadeaux et de décoration qui présentent de belles marges et alimentent les surfaces commerciales, à la place notamment de la vidéo et de la musique.

Rassemblé autour de ces quatre acteurs principaux, le circuit des GSC s’est donc étoffé, profitant en partie de la chute des hypermarchés qui connaissent une crise de leur modèle et voient leurs ventes de livres décliner, d’autant plus que le "drive" se développe et casse les achats d’impulsion. En modifiant les flux de trafic vers les périphéries, les GSC posent la question de l’avenir des centres-villes et de leurs commerces, dont les librairies indépendantes. Une problématique commerciale mais aussi politique.

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