Comique de répétitions. Bis repetita placent... Les choses répétées plaisent. On connaît la formule d'Horace, traduisant notre plaisir esthétique de la reconnaissance. Ah, comme on aime à retrouver ce qu'on a déjà vu, entendu, lu ! Loin d'engendrer la lassitude, la chose reconnue établit entre elle et le spectateur, l'auditeur ou le lecteur une connivence. Pour le héros de Star, les choses se répètent et ça ne lui plaît pas. Précisons qu'il est acteur, ou plutôt comédien en herbe. Le narrateur du nouveau roman de Guillaume Poix veut en être et compte bien ne pas rester dans le noir de la salle obscure mais prendre toute la lumière. Faute de tenir le haut de l'affiche, le voilà engagé sur le prochain film de Claire Simon comme répétiteur de dialogues pour Nicole Garcia. L'actrice de Rivette, Verneuil, Miller, Deville, Resnais, Lelouch..., la réalisatrice de Place Vendôme ou de L'adversaire, oui, celle-là même ! Dans Les bureaux de Dieu, la vedette interprète une bénévole du planning familial. Son sparring-partner de l'ombre lui donne la réplique avec les mots d'Adeline, une dépressive limite schizophrène : « Quand on sent que ça se dégrade à vingt-huit ans, c'est comme si... comme si j'approchais de la fin. » Des paroles performatives ? Il espère que non. Quoique le ratage soit assez bien entamé : « J'enquillai [...] des projets de théâtre tous plus foireux les uns que les autres, des cours de jeux inutiles et ruineux assortis d'auditions humiliantes [...], des tournages de courts-métrages autoproduits jamais montés ni diffusés. »

Cet emploi guère gratifiant lui permet tout de même de « rastignaquer », selon ce beau néologisme résumant sa philosophie de la vie aux dents longues. Le jeune premier en puissance noue avec la grande actrice une manière d'amitié privilégiée, à tel point qu'elle l'invite à l'accompagner à une projection à Cannes, où il se voit sur le tapis rouge avec Nicole à son bras. Dans ses rêves... Dans la réalité, Nicole Garcia se confie simplement, exposant sa vision du jeu : pour un vrai acteur, une vraie actrice, quelques instants d'apparition suffisent. Et de citer Ariel Winthrop, comédien s'il en fut et réalisateur d'un seul film. Cette étoile filante du 7^e art n'était jamais apparue à l'écran plus de trente-sept secondes. Il avait d'ailleurs repéré Nicole Garcia dans Le gendarme se marie, où elle tint le rôle furtif de « la jeune fille verbalisée » par un Louis de Funès en uniforme. Ariel fit jouer Nicole dans son long-métrage qu'il déciderait de détruire car lui-même s'y montrait plus longtemps que les fatidiques trente-sept secondes... Le portrait d'un Winthrop à la voix élusive se dessine. S'entrelacent alors le destin de l'ambitieux loser répétiteur et la carrière spectrale du génial Américain pour tisser l'intrigue rocambolesque de cette troisième fiction de Guillaume Poix à mourir de rire. L'auteur des Fils conducteurs a ici complètement changé de registre. Quand ça change, on aime aussi.