Notes sur la Grèce. À l'origine, Jean-Yves Boriaud, professeur de langue et de littérature latines à l'université de Nantes, est plutôt « romain », et de surcroît traducteur de littérature italienne classique : Pétrarque, Boccace, Machiavel... Le voici qui sort de sa zone de confort pour ajouter à son champ d'intervention la Grèce, l'autre source à laquelle la culture occidentale a puisé, non sans réticence au début.
Car les Français, s'ils furent d'abord gaulois (donc celtes), devinrent vite, après les conquêtes de Jules César, romains, ainsi que leur langue en témoigne. Le français, c'est du latin mal parlé. Aussi, après des premiers contacts « rugueux », comme dit Jean-Yves Boriaud, comme lors de la quatrième croisade (1199-1204) avec le sac de Constantinople, il fallut attendre 1530 pour que François Ier, sous l'influence de l'humaniste Guillaume Budé, ajoute à son Collège royal, futur Collège de France, une chaire de grec. La langue antique, pas le grec moderne.
Entre les deux pays, l'histoire se poursuivit au gré des aléas et des invasions : la domination des flibustiers français dans toute la mer Égée au xviie siècle sous l'autorité de l'ordre de Malte puis le rêve oriental de Bonaparte, latiniste mais pas helléniste, néanmoins fasciné par la Sparte martiale, qui organisa brièvement en Grèce trois départements, avant que la présence française ne soit battue en brèche par les Ottomans, les Russes puis les Anglais.
Mais après l'indépendance de la Grèce en 1822 et la désignation d'Othon de Bavière comme son premier roi en 1832, la France continua d'exercer une espèce de soft power, avec la création en 1846 par Salvandy, ministre de l'Instruction publique, pour le compte du roi Louis-Philippe, d'une institution unique en son genre et au monde, l'École française d'Athènes. Une vitrine de la France, avec des enseignants, les premiers archéologues scientifiques, des fouilles et des publications. Comme si l'histoire s'inversait et rétablissait l'antériorité, voire la primauté culturelle des Grecs sur les Latins : ce n'est qu'en 1873 que sera fondée l'École française de Rome, d'abord une annexe de celle d'Athènes.
Jean-Yves Boriaud arrête ici son livre, déjà largement fourni, érudit mais d'une grande clarté. Il faudrait un autre ouvrage pour traiter du xxe siècle, des guerres que subit la Grèce et du rôle que joua la France en tant que terre d'asile des intellectuels, artistes, opposants politiques grecs opprimés.
Le rêve grec des Français. De la quatrième croisade à l'École française d'Athènes
Fayard
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 23 € ; 420 p.
ISBN: 9782213725437