Livres Hebdo : 31 jours pour t'aimer a un format novateur, et il est lu par des ados comme par des adultes. Comment est né ce projet ?
Jennifer Rossi : C'est la continuité des romans de l'Avent que nous avons lancés en 2021. Les calendriers de l'Avent avec des chocolats ou des jouets étaient alors très à la mode. Nous sommes une maison de littérature jeunesse, et ces calendriers sont un rituel fort chez les enfants. Nous en avons imaginé une déclinaison littéraire. Avoir un rendez-vous littéraire avec soi-même, c'est joli, non ? Notre premier ouvrage de ce type a été Le renne mystérieux, et nous l'avons décliné pour chaque tranche d'âge, l'objectif étant de créer un rituel de lecture et que l'enfant se dise lorsqu'il a terminé le roman : « waouh, j'ai lu tout ça ! »
« C'est un jeu pour le lecteur mais aussi pour l'auteur, qui a des contraintes »
Le concept est vraiment au cœur de l'histoire, qui est construite autour de la temporalité des 24 jours. C'est un jeu pour le lecteur mais aussi pour l'auteur, qui a des contraintes. Nous avons toujours considéré que l'objet est un outil pour embarquer le lecteur. Nous avions envie d'aller vers le public des jeunes adultes, de remettre le côté feuilletonnant en avant. Sophie Jomain avait déjà écrit Un cœur pour Noël en 2023, que nous avons dû réimprimer trois fois, et Secret Santa l'an dernier. Elle a tout de suite eu l'idée d'un pitch autour de ce concept. Le genre épistolaire est très romanesque et il a imposé la forme. On a ensuite profité du service de fabrication comme d'un labo d'essai.
Vous attendiez-vous à une rupture de stock dès la deuxième semaine ?
On pensait avoir anticipé ! On a ajusté l'impression aux demandes des libraires, qui étaient déjà supérieures à celles des romans de l'Avent, mais les commandes ont continué après le départ en impression, et on a dû en lancer une deuxième. On a mis environ 100 000 exemplaires en place pour la France. Les équipes commerciales grands comptes ont reçu un super accueil des grandes surfaces spécialisées et des grandes surfaces alimentaires. 31 jours pour t'aimer est plus intemporel qu'un roman de l'Avent, la couverture et l'ambiance annoncent un livre plutôt estival mais il peut se vendre sur plusieurs mois, et les prises de commandes ont été plus importantes. Le côté novateur leur a donné encore plus envie d'y aller. En fin d'année, on étend le concept à d'autres genres que la romance, avec un cosy et un thriller de l'Avent pour ado écrit par Franck Thilliez.
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Pour 31 jours pour t'aimer, la fabrication induisait un risque financier important.
Oui, il était énorme. Un nouveau concept est toujours risqué, et nous nous sommes beaucoup appuyés sur les libraires. Nous ne voulions pas les noyer. Quand j'avais présenté Un Cœur pour Noël aux commerciaux, j'avais eu le palpitant en vrac ! Ils ont adoré et les libraires ont été convaincus, mais il fallait que les lecteurs suivent. J'ai vraiment envie qu'on dise : « Auzou tente des trucs », il n'y a aucun intérêt à reproduire ce que les autres maisons font déjà, ils le feront mieux que nous ! L'édition est un laboratoire d'expérience, et il faut continuer à réinventer, sinon, pourquoi on est là ? L'an dernier, on a publié Cœur à lire, une romance en deux tomes, deux livres en forme de demi-cœur qui se complètent. Ça été une folle histoire éditoriale ! En termes de fabrication, mais surtout pour les autrices Mathilde Paris et Sophie Laroche, qui ont créé ensemble l'arborescence, puis écrit chacune de leur côté un roman. Les deux textes s'augmentent, mais peuvent se lire de façon indépendante et les styles littéraires sont très différents. Je me suis battue durant trois ans pour faire émerger ce projet, il fallait trouver les autrices partantes. La fabrication a été au service de l'éditorial et a réalisé beaucoup d'essais avant d'arriver au bon format. C'est en tentant de nouvelles voies qu'on fait de belles aventures éditoriales et des livres qui marquent.