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Journal d’un oiseau de nuit

Jean-Michel Gravier - Photo Benjamin Baltimore/ÉCRITURE

Journal d’un oiseau de nuit

Les chroniques culturo-mondaines de Jean-Michel Gravier, parues dans Le Matin de Paris, parraissent enfin en volume. Elles résument toutes les années 1980.

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Par Olivier Mony,
avec Créé le 03.04.2014 à 20h55 ,
Mis à jour le 04.04.2014 à 00h00

C’est un visage, une voix, un style, surgis de la mémoire. En ce temps-là, la France de Giscard s’apprêtait à le tromper avec l’Union de la gauche. Paris était un fait, et le Palace le dernier salon où l’on pose. En ce temps-là, la presse ne se posait pas encore la question de sa crise et Le Matin de Paris était le plus beau quotidien français. Là, se faufilant entre les articles de Bernard Frank, de Jean-Paul Kauffmann ou de Jean-Dominique Bauby (liste non exhaustive), un drôle d’oiseau tenait boutique hebdomadaire à l’enseigne d’"Elle court, elle court, la nuit". Jean-Michel Gravier, puisque c’est de lui qu’il s’agit, y réinventait tout en nonchalance lapidaire l’art de la chronique jusqu’alors comme momifiée par les ineffables Carmen Tessier ou Edgar Schneider. Non loin de là, à Libération et dans un registre plus punk, Alain Pacadis lui emboîtera le pas. Plus tard, Eric Dahan ou Bertrand de Saint-Vincent sauront s’en souvenir.

Gravier était un pied-noir mince et pâle, Grenoblois "monté" à Paris avec la ferme intention de ne pas laisser la Ville lumière le décevoir, tout en nerfs et en fulgurances. Il écrivait comme il vivait. Tard, vite et bien. Sans doute devinait-il que dans sa vie, comme pour ses articles, le champ des possibles se refermerait très tôt. Il est mort, foudroyé par le sida, en 1994.

De quoi est-il question dans cette dérive nocturne et parisienne, plus qu’opportunément rééditée aux bons soins d’Arnaud Le Guern et des éditions Ecriture ? De la beauté confondue des aurores et des crépuscules. Un Jiminy Cricket agaçant, cultivé, cruel et aimant y suit à la trace les impétrants de la gloire et les étoiles déjà mortes, dont la lumière pourtant aveugle encore. Sophia Loren s’y promène au bras de Serge Lama, et Marie-France Pisier à celui de BHL. Quelquefois, il vient au chroniqueur comme une lassitude : "J’ai parfois envie de ne rien faire, de lire tranquillement le Concert baroque d’Alejo Carpentier ou de rire sous la pluie avec Carol quand les bravos criaient bravo Véronique Sanson […].Mon rêve, c’est d’aller à Moscou pour les JO, aux States pour Ted Kennedy ou à «Jacinte» pour être rédacteur en chef." Et le temps passe comme ça. Lâchement. Joliment. O. M.

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