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Un parfum d'années 60 flotte sur la période et loin de sentir l'ancien, il conserve toute sa fraîcheur.
 
C'est au début Octobre 1965 que naissent deux monuments du monde du livre pour la jeunesse. L'Ecole des Loisirs qui vient de l'édition scolaire a pris le tournant d'une évolution en cours dans la vision de l'enfance. Le temps de la jeunesse ne se réduit pas à celui de l'apprentissage scolaire d'un héritage lointain. L'enfance est le moment d'une liberté, d'une sensibilité, d'une capacité de rêver qui doivent être non seulement respectées mais aussi stimulées. La production éditoriale se doit d'être à la hauteur de cette vision de l'enfance que résume bien le dessin d'André François devenu l'emblème de l'éditeur.
 
Loin de se limiter à sa dimension studieuse, le livre est le support de l'imagination. Tel un papillon, il nous emporte loin de l'endroit réel où l'on se trouve.

C'est avec une idée semblable que la Joie par les livres était née peu de temps auparavant (en 1963). La mécène Anne Gruner Schlumberger était porteuse d'une vision moderne de l'enfance qu'elle avait pu voir à l’œuvre à l'étranger. Elle entendait la propager en France notamment au travers d'une bibliothèque qui pourrait servir de modèle aux établissements qui verront le jour plus tard. Les professionnelles pionnières de cette dynamique (Christine Chatain, Geneviève Patte et Lise Vuilleumier-Encrevé) auront à cœur de trouver dans la production éditoriale, y compris internationale, des livres qui sauront nourrir leur imagination.

Et c'est dans le cadre de ce projet qu'ouvre la bibliothèque de Clamart le 1er octobre 1965. L'implantation dans un quartier populaire tranche un peu avec l'implantation parisienne de l'Heure Joyeuse qui l'a précédée et dont elle s'inscrit comme en prolongement. Il s'agit de s'adresser à tous les enfants, y compris les moins familiers de l'univers du livre. Dans le récent livre que Geneviève Patte consacre à sa carrière (Mais qu'est-ce qui les fait lire comme ça ?), elle insiste sur la continuité de l'expérience de la relation de médiation au livre par delà les frontières sociales ou les continents : « Les petits nous rappellent ce qu'est la lecture. Un acte libre ! […] Vive la liberté du lecteur ! Loin de nous le souci de la rentabilité et de la performance. La lecture ne sert à rien, si ce n'est à mieux vivre, à se connaître, à rencontrer l'autre, à découvrir le monde dans sa beauté et sa complexité » (p. 188).

Cette vision de l'enfance que le monde du livre a porté de façon avant-gardiste reste toujours vivace. L'exposition pour les 50 ans de l'Ecole des Loisirs au musée des Arts décoratifs, n'est pas tombée dans l'impasse d'une vision muséographique figeante. Au contraire, des installations interactives donnent à voir l'esprit espiègle et joyeux de l'enfance. Je pense particulièrement à une machine mettant en scène l'univers de Claude Ponti et où il s'agit au spectateur de faire lancer à Blaise (le fameux poussin) des balles de ping-pong dans une panier de basket miniature...

Cette vision de la lecture est adossée à une vision de l'enfance dans laquelle, une attention est portée à sa personne dans toutes les dimensions ce de ce qui le constitue. Cette définition qui était assez pionnière dans les années 60 s'est largement développée au moins dans les familles. Les institutions (et notamment l'Ecole) a beaucoup plus de mal à le faire comme on peut le voir à propos des programmes. Et c'était tout à fait cohérent pour le Président Hollande de recevoir le rapport rédigé par F. de Singly et V. Wisnia-Weill intitulé Pour un développement complet de l'enfant et de l'adolescent le jour de l'inauguration de l'exposition consacrée au cinquantenaire de l'Ecole des Loisirs au Musée des Arts Décoratifs à Paris le 30 septembre. Le cadre se prêtait à cette vision élargie de l'enfant qu'il s'agit de promouvoir pour éviter le dualisme entre le monde scolaire et le monde des enfants. Vaste entreprise...

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