Polémique

La librairie Violette and Co porte plainte pour harcèlement, dégradations et menaces

Relancée en 2023 par une nouvelle équipe, la librairie féministe et LGBTQIA+ est installée dans le XIe arrondissement de Paris. - Photo Marie-Agnès Laffougère

La librairie Violette and Co porte plainte pour harcèlement, dégradations et menaces

Dans un post Instagram publié lundi 11 août, l'équipe de la librairie parisienne, féministe et LGBTQIA+ Violette and Co, déclare être la cible d’une « campagne d’intimidation, de harcèlement, de cyberharcèlement, de dégradations et de menaces de l’extrême droite ». La librairie indique également avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République.

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Par Élodie Carreira
Créé le 12.08.2025 à 12h34

Installée à Paris, l’historique librairie féministe et LGBTQIA+ Violette and Co alerte sur une vague d’attaques à son encontre. Dans une publication Instagram mise en ligne lundi 11 août, son équipe dénonce « une campagne d’intimidation, de harcèlement, de cyberharcèlement, de dégradations et de menaces de l’extrême droite ». En cause ? La mise en avant d’ouvrages consacrés à la Palestine.

Tout commence en juin dernier, lorsque l’équipe de la librairie décide de renouveler sa vitrine pour la période estivale. Y figurent « des livres sur l’extrême droite, le racisme, le colonialisme, la Palestine et des romans d’auteur·ices féministes et queers, arabes et/ou d’origine d’Afrique du Nord et d’Asie du Sud-Ouest ».

« Nous avons évidemment porté plainte auprès du procureur de la République »

Les libraires rapportent que, dans la nuit du 7 au 8 juillet, la vitrine a été vandalisée, taguée « à la peinture à l’acide » d’inscriptions (« Islamo complice » ou encore « Hamas violeur ») accusant la librairie de collusion avec le Hamas, mouvement islamiste à l’origine de l’attaque du 7 octobre 2023. Selon les librairies, la vitrine a été dégradée de manière irréversible, au point qu’un remplacement complet de la devanture serait nécessaire. Une opération onéreuse, estimée à 10 000 euros par l’équipe en place.

« Accompagnées par des avocat.es, nous avons évidemment porté plainte auprès du procureur de la République et nous espérons que nous pourrons identifier les auteur·ices de ces tags, afin de les empêcher de s’en prendre à d’autres lieux », a-t-elle ajouté, précisant avoir choisi de maintenir les livres visés en vitrine, « refusant de nous faire intimider ».

L’équipe de Violette and Co rapporte également avoir été victime, le 6 août dernier, d’un nouvel acte d’intimidation : un groupe de cinq personnes se serait présenté à la librairie pour interpeller les libraires au sujet de la mise en vitrine d’un « livre de coloriage sur la Palestine ». « Le groupe n’a cessé de couper la parole à notre collègue et de hausser le ton, clamant : qu’ « avant la création d’Israël, il n’y avait qu’un désert et des chèvres », que « la Palestine n’existe pas », et pour finir, qu’« il n’y a pas de génocide » », relate la librairie.

Du harcèlement au cyberharcèlement

Suite à cet épisode, les librairies deviennent la cible de nombreux coups de téléphones, mails, messages et avis Google « à caractère haineux et diffamatoires ». Un harcèlement qui ne manque pas de se poursuivre en ligne, celui-ci se manifestant par « un déferlement de commentaires, de messages, de mails, d'appels, d'avis Google relayant de fausses informations, de théories du complot, des discours d'extrême droite, des propos à caractère lesbophobe, LGBTphobe, sexiste, raciste, islamophobe, suprémaciste, identitaire », mais aussi par « des menaces de mort de destruction de la librairie », détaillent-elles. 

Sur X, plusieurs comptes individuels épinglent en effet le fameux livre de coloriage. Intitulé From the River to the Sea : A Coloring Book, l’ouvrage a été illustré par le dessinateur et auteur Sud-Africain Nathi Ngubane et a été publié en janvier 2024 par la maison Social Bandit Media, basée entre Johannesburg et New York. Bien qu’il ne soit pas commercialisé en France, il est disponible à la vente sur Amazon et a fait l’objet d’une traduction bénévole et militante, ce qui justifie sa présence en rayon chez Violette and Co. La librairie précise toutefois qu’elle ne tire aucun profit des ventes du livre, reversant l’intégralité des marges réalisées à des cagnottes de soutien pour Gaza.

En ligne, de nombreuses critiques visent avant tout le titre de l’ouvrage – From the River to the Sea –formule polémique régulièrement scandée depuis les premiers bombardements sur Gaza menés par Israël en réaction à l’attaque du 7 octobre 2023. Pour certains, celle-ci constituerait un appel à la destruction de l’État d’Israël. Pour d’autres, elle exprimerait l’aspiration à un État dans lequel les Palestiniens vivraient en citoyens libres et égaux.

Relais de fausses informations ?

Mais pour la librairie Violette and Co, cet embrasement numérique serait avant tout motivé par un sentiment de haine « alimenté par des médias réactionnaires de Bolloré », selon ses termes. En guise d’illustration, elle joint à son post Instagram quelques captures d’écran d’articles publiés par le JDD, CNews et Europe 1. Sans jamais mentionner directement le nom de la librairie, ces médias évoquent un « livre anti-Israël » et associent sa diffusion à une « dimension militante parfaitement assumée ».

La polémique a également été relayé par certains responsables politiques. Nelly Garnier, élue Les Républicains à la Ville de Paris, et Aurélien Véron, conseiller à Paris et proche collaborateur de la ministre de la Culture Rachida Dati, ont publiquement dénoncé la présence de l’ouvrage dans les rayons d’« une librairie subventionnée chaque année par la Ville de Paris ». En réponse, Violette and Co a tenu à clarifier la situation : « Nous partageons nos locaux avec Violette and Co Association, installée au sous-sol de la librairie, qui organise des actions culturelles et lutte contre les discriminations sexistes, LGBTQIA+phobes et racistes et qui, elle, reçoit des subventions de la ville de Paris. Il est absolument honteux que des élu·es de la Ville de Paris alimentent cette campagne de harcèlement, de diffamation et d’incitation à la haine à notre encontre, se basent sur des tweets anonymes, et propagent de fausses informations », ajoute l'équipe.

Elle rappelle par ailleurs que ces agissements tombent sous le coup de la loi, annonçant par là même son intention de porter plainte « contre toutes les personnes qui ont commis de telles infractions ». Tout en exprimant son indignation, Violette and Co finit son communiqué en réaffirmant condamner « l’antisémitisme » aussi fermement que « l’instrumentalisation de l’antisémitisme », et réitère son engagement à sensibiliser son public à l’ensemble des « génocides en cours ».

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