10 mars > roman Portugal

Roi des lettres portugaises, António Lobo Antunes naît à Lisbonne en 1942. Deux événements marquent sa vie : la guerre coloniale en Angola, où il assure son service militaire, et son expérience de psychiatre. C’est peut-être cette connaissance de l’âme humaine qui le pousse à l’approfondir au scalpel de sa plume impitoyable. De la nature des dieux en est un parfait exemple, tant ce roman est labyrinthique. Il est construit comme une maison de poupées, dans laquelle chaque pièce, couloir ou chaque escalier abrite des secrets, des liaisons, des rêves et des frustrations.

La demeure est celle de Madame, une femme fortunée vivant enfermée. Comme sur une scène immuable, elle est installée dans un fauteuil avec son petit chien. On dirait un portrait de Vélasquez doté de la parole. "La vieillesse, ce n’est pas d’être dépossédé de son avenir, c’est d’avoir été dépossédé de son passé." Le sien l’a tellement éprouvée qu’elle doit se confier. A sa grande surprise, Fátima devient son réceptacle. "Pour quelle raison me parle-t-elle à moi qui suis pauvre ?" Peut-être parce qu’elle est aux antipodes de Madame. Fátima travaille dans une librairie. Venue d’Afrique, elle lutte contre les déboires de sa vie, or elle n’a rien à envier à la riche héritière. Celle-ci a toujours été en conflit avec son père, un homme arrogant et sans scrupule, prêt à tout pour faire prospérer ses affaires. On le découvre à travers ceux qui gravitent autour de lui, sa femme délaissée, ses maîtresses troublées ou ses domestiques déboussolés. Parfois les voix se confondent au point de déstabiliser le lecteur. D’autant que Lobo Antunes jongle avec la ponctuation et les émotions.

Ce roman choral ressemble à un macramé entremêlant de nombreuses existences. Certaines sont insignifiantes aux yeux du monde mais, en exprimant le fond de leur pensée, elles défient leur rang et leur destinée. K. E.

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