27 AOÛT - ROMAN France

A 13 ans, Didrie est en pleine crise d'adolescence. Encore impubère, vierge et dépravée, elle est obsédée par le sexe, le sien qui la dégoûte, et celui des hommes qui la répugne encore plus. Dans son collège, où elle fait acte de présence de temps à autre en quatrième, les garçons ne pensent qu'à "ça", et il semble que nombre de filles les gratifient de leurs faveurs. Pas Didrie, qui déteste tout le monde et se sent agressée en permanence par la sexualité des autres. Des prédateurs qu'elle voit comme des "loups" et qu'elle voudrait massacrer. Anorexique, paranoïaque, alcoolique adepte d'un binge drinking effréné, la gamine-narratrice fait preuve d'une violence verbale à peine croyable et d'une crudité dans ses mots qui va bien au-delà de son âge.

Ce n'est pas sa famille, complètement névrosée et dépassée par la situation, qui est en mesure de l'aider - elle méprise d'ailleurs ses parents et son frère aîné. Ni les profs, à qui elle ne parle pas. Les deux seuls êtres qui trouvent grâce à ses yeux, c'est sa petite soeur et Frankie, son amoureux. Un motard un peu écolo, 18 ans, élève en lycée pro qui rêve de travailler dans les éoliennes. Ils se fréquentent depuis un peu plus d'un mois, mais c'est du sérieux, c'est pour la vie. Frankie, plus mûr, apaise son amie, et ne lui a jamais proposé de rapport sexuel. Juste des flirts un peu poussés.

Dans un contexte pareil, on se doute bien qu'il ne peut que se produire une catastrophe. Les ados avec qui Didrie passe son temps en beuveries sont totalement incontrôlables, amoraux, violents, vulgaires, shootés à l'alcool et aux sites porno. C'est là justement qu'un après-midi sinistre, Thibault, le caïd friqué et louche de la bande, se connecte sur un chat où il repère un pédophile potentiel. Plus ou moins contrainte, Didrie, sous le pseudonyme de Sex Toy, accepte de brancher ce type, ce "loup", et de lui fixer un rendez-vous samedi au centre commercial. Dans son délire mytho, elle laisse entendre que le pervers pourrait être son propre père. C'en est assez pour que la bande décide de lui rendre "justice" et de se venger.

A mille lieues de ces Brèves de comptoir qui l'ont rendu célèbre, Jean-Marie Gourio ose un roman cru, âpre, et d'une noirceur absolue. Vraie performance d'écrivain, il se glisse dans la peau, la tête et la souffrance de son héroïne. Quant à l'écriture, presque célinienne parfois, elle constitue aussi un tour de force. Sex Toy peut choquer, dérange, interpelle. Même s'il ne se veut pas un document sociologique, le livre pointe du doigt les dérives extrêmes d'une certaine jeunesse livrée à elle-même, sans repères aucuns, en proie à tous les démons et prête au pire. Pour Didrie et ses semblables, no future ?

15.04 2015

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