22 août > roman états-Unis

Son confrère William Boyd dit de lui qu’il est le plus grand styliste anglais contemporain. En France, c’est désormais l’heure de faire un triomphe à Alan Hollinghurst. Un écrivain de premier plan qui a opéré une entrée spectaculaire en littérature en 1988 avec La piscine-bibliothèque (Christian Bourgois, 1991), avant d’être consacré par le Booker Prize en 2004 au moment de la publication de La ligne de beauté (Fayard, 2005, repris au Livre de poche), fier hommage à Henry James.

Hollinghurst écrit des romans où plane une menace, que ce soit celle de la guerre ou celle du sida. Des livres où des mondes s’écroulent et d’autres se reconstruisent, opus qui laissent une large place au désir et parlent des différences éternelles entre les classes sociales. Le dernier en date, L’enfant de l’étranger, est un tour de force littéraire comme on en lit peu. Difficile de résumer un volume de plus de sept cents pages qui varie les époques et les points de vue avec une maîtrise confondante.

Tout démarre dans les années 1910, lorsque l’on parle d’une guerre avec l’Allemagne. Veuve, Freda Sawle a trois enfants. Hubert, qui arbore une fine moustache rousse ; George, qui étudie à Cambridge ; et Daphné, 16 ans et déjà éprise de poésie. La maison familiale des Deux Arpents, dans le Middlesex, accueille un invité de marque : le poète Cecil Valance à l’aura et aux charmes évidents. Celui-ci connaît Rupert Brooke et Lytton Strachey. Il aime à batifoler dans l’herbe avec George mais ne verrait non plus aucune objection à caresser les fesses de Daphné et à l’embrasser.

La deuxième partie nous amène bien après la Première Guerre. Où Cecil, le capitaine Valance du 6e Bataillon Royal, a été victime d’un tireur allemand en juillet 1916 à Maricourt. Churchill en personne a rendu hommage dans le Times au poète et héros décoré de la Military Cross. Désormais chauve et universitaire à Birmingham, marié à une Madeleine à l’air revêche, George ne l’a jamais oublié. Daphné non plus. Epouse de sir Dudley Valence - frère du défunt et écrivain en vogue -, mère de Corinna et Winifred, celle-ci a tendance à frémir devant le dessinateur et décorateur Revel Ralph…

Plus loin, nous voici encore en 1967. Quand apparaît dans l’intrigue Paul Bryant, jeune employé de la Midland Bank dans une petite ville de province entre Swindon et Oxford. Lui aussi est amené à croiser la route de Daphné, devenue depuis Mrs Jacobs… Alan Hollinghurst impressionne constamment avec son savant mélange de subtilité et d’humour. Sa manière de parler de « la ronde de la musique du temps », pour reprendre le titre d’Anthony Powell, et des émotions. Sa capacité à tisser sa toile avec maestria, à construire des scènes inoubliables. A ciseler ses dialogues et à étonner le lecteur avec la justesse du regard qu’il porte sur ses protagonistes. L’enfant de l’étranger s’impose comme un immense roman dans lequel il faut se laisser glisser. On en sort ébloui comme rarement.

Alexandre Fillon

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