Ce qu’on entend par culture n’est jamais très clair. Surtout quand la politique s’en mêle. Marc Signorile définit donc son sujet, celui de la culture et celui du spectacle, pour nous entretenir de la manière dont ils interfèrent lorsqu’ils sont au service du pouvoir. Du Moyen Age au XXe siècle, ce sociologue de l’art et musicologue nous invite à réfléchir sur la manière dont le pouvoir s’est exercé au travers de la musique.
Un genre réunit ce concept de culture et de spectacle : l’opéra. Héritage du Moyen Age, mais sans doute aussi de la Grèce antique, ce n’est pas un genre populaire, mais un genre sur lequel le pouvoir a compté, au moins jusqu’à la fin du XIXe siècle, pour conforter sa vision du monde.
Dans cette chronique des œuvres qui ont joué ce rôle, Marc Signorile examine le répertoire aux ordres sous l’Empire, les opéras de Rossini sous la Restauration, puis ceux de Wagner. Il explique par exemple comment le Robert le Diable de Meyerbeer devint un spectacle éminemment politique sous la monarchie de Juillet.
Après la défaite de 1870, la musique s’impose plus que jamais comme un enjeu pour les républicains et les nationalistes. Le public est alors pris dans une guerre culturelle et idéologique qui a peu à voir avec l’esthétique. Aujourd’hui, l’opéra n’est plus ce lieu prédominant. Mais l’Etat continue de manifester ses préférences par des subventions qui ne sont pas seulement toujours guidées par des considérations artistiques. Dans son exploration érudite et limpide, sur les traces de Debord et de Bourdieu, Marc Signorile nous invite à réfléchir à tout cela. Ce n’est pas le moindre mérite de cet essai aussi discret que profond. L. L.