7 janvier > Roman France

Pour lui, tout devrait aller bien. Abel, Français d’origine algérienne, a mis de la distance entre son enfance et lui. Entre la boucherie familiale à Arles, l’abattoir attenant, la maladie du père et sa nouvelle vie de banquier à la City auprès de sa jeune femme anglaise, Lizzie, et de leur fille nouveau-née, Allegra. Seulement voilà, l’enfant leur fait passer des nuits blanches, Lizzie se montre chaque jour un peu plus hostile, Firouz, son mentor et protecteur, aussi ambigu que fascinant, se montre de plus en plus impatient, finissant par le soumettre à un terrible chantage. La chute de Firouz est sans fin. Bientôt sans travail, sans famille, Abel va s’enfoncer dans la nuit de Londres sur fond de jeux Olympiques et de manifestations des Anonymous. Il trouvera un refuge aussi précaire que précieux dans un hôtel pour d’autres chiens perdus sans collier comme lui. Et dérivera au fil de son mal-être perdu entre les ombres inquiétantes de son enfance - le chagrin de son père, une chasse sanglante - et celles de la folie qui rôde comme elle rôda autour de Nietzsche dans le film de Béla Tarr au tournage duquel il assiste en passager clandestin et perdu.

C’est peu dire qu’Allegra, premier roman de Philippe Rahmy, est intrigant. Il y a dans ses pages quelque chose de l’ordre du mystère, de la cérémonie secrète, du tremblé du réel. Après Béton armé (La Table ronde, 2013, mention spéciale du prix Wepler), qui posait les bases d’un univers esthétique résolument singulier et poétique, Rahmy a le courage, sans renoncer en rien à son charme noir, d’écrire une fiction authentiquement politique avec les seules armes de la littérature. On navigue donc ici entre les récits spéculatifs d’un Don DeLillo et le Paul Morand terminal et nocturne d’Hécate et ses chiens. Un cauchemar onirique en bonne compagnie. Olivier Mony


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