Nina Hugendubel

La possibilité d’une rencontre

Olivier Dion

La possibilité d’une rencontre

Pour la coprésidente de Hugendubel, deuxième chaîne de librairies en Allemagne, la pérennité de ses magasins repose sur leur capacité à faire se rencontrer les clients autour des livres et sur leur articulation avec la vente en ligne et la commercialisation du livre numérique.

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Par Fabrice Piault,
avec Créé le 14.04.2017 à 01h33

Avec une centaine de succursales, 1 700 salariés et un chiffre d’affaires de quelque 260 millions d’euros, Hugendubel est la deuxième chaîne de librairies en Allemagne derrière Thalia. Nina Hugendubel et son frère Maximilian, qui la coprésident, appartiennent à la cinquième génération de dirigeants de l’entreprise familiale fondée en 1893 à Munich par Heinrich Karl Gustav Hugendubel.

Nina Hugendubel - Il en va de même en Allemagne. Le marché n’est pas très dynamique, mais il ne recule pas. Les gens achètent autant qu’avant. Sur Internet comme en librairie, les ventes sont stables même si le commerce en ligne croît un peu plus, d’environ 5 % à 6 %. Je m’attends à ce qu’elles restent étales même si les parts de la vente en ligne et du livre numérique vont progresser. A terme, les ventes se répartiront entre les libairies "en dur", le commerce en ligne, aujourd’hui moins dynamique qu’il n’a été, et le livre numérique qui progressait il y a deux ou trois ans de 30 à 40 % mais dont le taux de croissance est désormais inférieur à 10 %.

Le très gros changement concerne le livre pour la jeunesse. La multiplication des familles recomposées favorise son développement car tous les parents et beaux-parents veulent faire beaucoup pour leurs enfants. Nous le voyons dans nos chiffres. Nous-mêmes envoyons des équipes dans les jardins d’enfants pour présenter et promouvoir des livres. Si la lecture commence tôt, on peut espérer que cette habitude perdurera. Certes, les gens passent aujourd’hui beaucoup de temps sur leurs mobiles, mais il ne faut pas s’inquiéter outre mesure. Ils reviendront vers le livre dès lors qu’ils en auront pris l’habitude. Nos magasins sont ainsi d’abord positionnés sur le livre. Nous savons aussi que plus de la moitié de la clientèle vient pour acheter un cadeau. Cela nous amène à beaucoup miser sur la capacité du personnel à conseiller. Il nous faut bien connaître nos clients. Nous consacrons beaucoup de temps à cela pour mieux répondre à leurs attentes. Si nous le faisons bien, si nous savons nous adapter, si nous avons un bon mix produit, nous avons de bonnes chances de réussir. Les réseaux sociaux offrent également de nombreuses opportunités nouvelles pour la promotion du livre. Il existe aujourd’hui, au-delà de la presse et de la publicité, de multiples manières de toucher les clients.

Les magasins restent à la base de tout, mais les clients ont aussi d’autres attentes, ils veulent pouvoir acheter sur Internet et en numérique. Nous essayons de leur offrir tout cela. Notre librairie en ligne représente 10 % de notre activité, et nos ventes numériques, pour lesquelles nous utilisons la solution Tolino, 3 %. Le rassemblement de ces trois canaux de vente de manière harmonieuse est essentiel pour nos clients.

Nous essayons de nous adapter au service que les gens attendent. Par exemple, si un livre n’est pas en magasin, le client peut soit revenir le lendemain, soit le recevoir directement chez lui. Nous assurons aussi la promotion des magasins sur le site et à travers des newsletters qui donnent accès à des avantages en magasin. Ces synergies, mises en place dans les deux sens, fonctionnent très bien.

Il y a deux ans, nous avons racheté, auprès du grossiste Libri, Ebook.de, dont nous avons fait notre librairie numérique au côté de Hugendubel.de, que nous développons depuis 2000 mais qui était au départ plus une plateforme de services qu’une plateforme de vente. Une équipe de 25 personnes gère les deux sites.

A l’époque actuelle, où le marché du livre ne connaît pas une grande expansion, cela n’a guère de sens pour nous d’aller vers l’ouest, où de puissantes chaînes sont déjà implantées. Nous dépenserions, vainement, beaucoup d’argent. Ce ne serait bon ni pour elles, ni pour nous. De même, il serait coûteux pour elles de venir à Munich. Mais quand il y a de la place pour deux, nous y allons, comme nous l’avons fait à Stuttgart, où il n’y avait que Wittwer.

En Suisse alémanique, nous sommes partenaires d’Orell Füssli, dont nous détenons 25 % comme les actionnaires historiques de la chaîne, tandis que Thalia contrôle 50 %. En Autriche, pour l’instant, nous n’avons pas trouvé de magasin adapté, mais nous pourrions y aller, cela aurait du sens. En revanche, nous ne sortirons pas du marché germanophone. La dimension culturelle est très importante en librairie, et il y a de grosses différences d’un marché à l’autre. Nous aurions des difficultés à nous adapter. Voyez la Fnac et Virgin : toutes deux sont venues en Allemagne, aucune n’a réussi.

Nous vendrons toujours des livres. Nous aurons toujours des magasins et ils continueront à jouer un rôle très important car, à l’heure d’Internet, cela deviendra de plus en plus important pour les gens de se rencontrer. Nos magasins peuvent offrir cette possibilité de rencontre entre amis autour du livre. Nous travaillons beaucoup la qualité de notre assortiment : à défaut de pouvoir tout avoir, nous devons avoir la meilleure sélection, ainsi que les meilleurs libraires pour la vendre dans des magasins élégants et confortables, qui intègrent des cafés. Sur Internet, face à Amazon, nous essayons d’amener le savoir-faire et la connaissance de nos libraires. Nous allons enfin, tout en conservant de très grandes librairies, développer des formats plus petits, de 500 à 600 m2, ainsi que des corners dans les grands magasins, les gares et les aéroports.

14.04 2017

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