14 août > Premier Roman France

Béatrice est auxiliaire de puériculture dans une maternité parisienne. Mais dans une première vie, dans les années 1990, elle a été danseuse nue dans un « cabaret musical underground ». Un changement de quotidien radical et douloureux. Dans sa « blouse vieux rose », elle affronte chaque jour un univers de sueur, de sang et de larmes où tout est affaire de vie ou de mort, croisant de chambre en chambre des mères rescapées d’une guerre. C’est un planning de tâches routinières, de visites à des accouchées épanouies ou pantelantes, de soins à des bébés avides ou atones, la traversée d’une concentration exceptionnelle d’émotions violentes. Dans le service qui héberge depuis des années « la dame du 2 », « jamais partie », la puéricultrice, petite soldate docile du personnel soignant, assiste femmes et nouveau-nés dans tous ces gestes que la fatigue infinie, la détresse impuissante parfois peuvent rendre les moins évidemment naturels du monde : changer son bébé, le nourrir…

« Je suis un numéro. C’est ce que je suis venue chercher. Devenir tellement normale que personne ne connaîtra ma folie. » Car comment s’adapter quand on a connu autrefois la vie d’artiste ? Dix ans à danser « une transe vaudou » presque tous les soirs, à sillonner toute l’Europe aux côtés de Gabor, le violoniste, garçon de l’Est pour qui elle a quitté Tours à 18 ans, Paolo, le batteur, Pierre et Pierre, les deux stripteaseurs… Comment oublier cette longue et amoureuse tournée au cours de laquelle sont aussi nés des enfants ? Et comment contenir les bouffées d’angoisse récurrentes qui ont toujours traversé son corps. « Par crises incontrôlables, mes contours disparaissent, ma peau ne remplit plus sa fonction, je perds mon enveloppe. »

Personnage à plusieurs fonds - « Marilyn de province », showgirl punk-rock, puéricultrice anonyme -, la narratrice du premier roman de Julie Bonnie emprunte sans doute de nombreux traits à cette musicienne quadragénaire, auteure de trois albums solo après avoir été chanteuse et violoniste dans plusieurs groupes dont Kid Loco… Mais plus que l’hommage attendri qu’il rend à une jeunesse rock’n’roll, ce texte qui ne prend pas de gants tire sa force de son immersion dans les recoins les plus concrets, les plus organiques, les plus bruts de l’enfantement. A déconseiller à celles et ceux que les histoires de maternité un peu crues font tourner de l’œil.

V. R.

 

17.10 2013

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