14 avril > Histoire Etats-Unis

C’est bien une "histoire d’invisibilité" pour reprendre le titre de l’un des chapitres du passionnant travail de Gabrielle Hecht. L’histoire d’une Afrique qui reste fantôme parce qu’on ne veut pas la voir, celle de ces mineurs qui exploitent les gisements d’uranium, en Afrique du Sud, en Namibie, au Congo, au Gabon, au Niger et à Madagascar.

Cette historienne (université du Michigan) connaît bien le sujet de l’énergie qu’elle repense dans un contexte économique et politique. Après Le rayonnement de la France. Energie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondiale (La Découverte, 2004, Amsterdam, 2014), elle ouvre son champ d’investigation à toute l’Afrique et se sert du concept de "nucléarité" comme d’"une grille de lecture pour l’histoire, l’expérience et la mémoire" afin de montrer comment il a servi à justifier la guerre contre l’Irak et comment son absence a favorisé la soumission coloniale et l’idée d’une Afrique mystérieuse, corrompue et arriérée.

A la différence des mineurs américains du Colorado, il a fallu du temps pour que l’on admette que les mineurs africains risquaient d’avoir un cancer du poumon en inhalant du radon, un gaz radioactif particulièrement nocif dans les mines d’uranium. Pour cette enquête exceptionnelle, Gabrielle Hecht a exploré les archives mais s’est aussi rendue sur place, pour interroger les témoins.

Avec elle nous retrouvons les années de la Françafrique de Jacques Foccart, mais aussi celles de l’apartheid en Afrique du Sud où l’on considérait que les mineurs noirs ne pouvaient pas être victimes des radiations puisque leurs contrats de travail étaient de courte durée.

Ces corps irradiés restèrent eux aussi longtemps invisibles aux yeux des Occidentaux et des gouvernements locaux. Tout simplement parce qu’on ne voulait pas voir l’uranium comme quelque chose de nucléaire qui avait un prix ! Des années 1960 à 1970, on chercha à le banaliser comme si c’était du blé ou du soja pour assurer le développement de l’énergie nucléaire. Il y eut ainsi à cette époque aux Etats-Unis une ligne de vaisselle en céramique nommée Fiesta. La couleur jaune virait au rouge orangé à la cuisson tout simplement parce qu’elle était vernie à l’uranium. L. L.

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