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L’Archipel et Jean-Daniel Belfond, trente ans de vie commune

Jean-Daniel Belfond - Photo PAULINE GABINARI /LH

L’Archipel et Jean-Daniel Belfond, trente ans de vie commune

Créée en 1991, l'Archipel fête cette année ses trente ans. Jean-Daniel Belfond, son fondateur, revient sur ces trois décénnies d'existence "passées aussi vites qu'un train". 

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Par Pauline Gabinari,
Créé le 11.10.2021 à 20h00

Ses livres, il les aime, Jean-Daniel Belfond. Il aime les toucher et les manipuler « car on est des êtres de chair et de sang quand même ». Dans son petit bureau du troisième étage au nouveau siège d'Editis, le fondateur de l’Archipel se lève, sort et se déplace pour empiler, tous confondus, coffrets collectors et anthologies autour du micro salon improvisé. C’est là, un texte encore plastifié d’Oscar Wilde à la main, qu’il sort un objet d’un autre temps : un coupe papier en bois précieux. L’éditeur a 62 ans. « Certes, je ne suis pas à la page sur tous les sujets mais, pour autant, je n’ai pas envie de prendre des vacances ! », lance-t-il dans un éclat de rire. L’après, il y pense pourtant, souhaitant plus que tout offrir une postérité digne de ce nom à sa maison qui fête cette année ses trente ans.  
 
Stabilité économique
 
« J’ai fait mes classes aux éditions Belfond qui avaient plusieurs filiales thématiques. J’ai vu comment ça fonctionnait et j'ai fait pareil à l’Archipel en créant différentes marques éditoriales », raconte Jean-Daniel Belfond, fils des fondateurs de l’édition éponyme. Quand il lance en 1991 L’Archipel, il a une envie « très simple » : ne surtout pas « réinventer le monde » et trouver un système économique viable en publiant des livres « qui donnent envie ».  La méthode est efficace. Elle permet chaque année d’atteindre un chiffre d’affaire stable entre 6 et 7 millions d’euros. Les quatre ouvrages qu’il remet au goût du jour à l’occasion des trente ans de la maison en sont d’ailleurs symptomatiques. Deux thrillers (La chambre des curiosités de Preston & Child, Thérapie de Sebastien Fitzek) et deux romans d’évasion (La dernière valse de Mathilda de Tamara McKinley, Le pays du nuage blanc de Sarah Lark), tous best sellers en France ou dans leur pays d’origine. 
 
Le succès n’a pourtant pas toujours été au rendez-vous. En 1994, trois ans après sa création, la maison publie 14 textes dont 13 déficitaires.   « Souvent, lorsque que je publiais un roman qui m’avait plu, l’accueil de la presse et du public était décevant. Je me suis rendu compte que je n’avais pas le talent de dénicher des pépites littéraires », confie l’homme dans un soupir. Un regret après plus de trente ans de carrière dans l’édition ? « Non, simplement des faits, je suis un éditeur littéraire inabouti », tranche-t-il. Cette année, c’est d’ailleurs du côté du développement personnel et de la biographie romancée que Jean-Daniel Belfond se tourne afin de fêter ses noces de perles avec sa maison. La collection « Passion littéraires » s’attache aux amours passés de grands écrivains tandis qu’« Instants suspendus » est un ensemble de textes feel good
 
Le passage à Editis
 
Il y a cinq ans, c’est dans la cour d’un superbe hôtel particulier, pavés au sol et porte capitonnée à l’intérieur, que Jean-Daniel Belfond nous avait reçu. Cette fois-ci, on monte quelques étages, direction le 13e arrondissement et sa vue imprenable sur la nouvelle tour ultramoderne de Jean Nouvelle. « On est passé de Louis XIV à Elon Musk », ironise le fondateur de l’Archipel. A quasiment trente ans jour pour jour de sa création, la maison a emménagé chez son nouveau propriétaire, Editis. Un grand chamboulement essentiel selon son créateur dont le passage aux 60 ans, il y a deux ans, lui a fait prendre conscience qu’il fallait « penser à l’après ». 
 
Avec trois décennies dans le rétroviseur, qu’il décrit comme un train parti trop vite, l’éditeur a fait le choix en 2019 de vendre 100% du capital de l’Archipel à la filiale de Vivendi. Une façon de transmettre ces millions d’heures dédiées au livre et garantir la pérennité à sa maison. « Le côté positif c’est que notre système peut être reproduit assez facilement », explique l’éditeur, se réjouissant qu’au sein du groupe les maisons de littérature générale aient gardé une totale indépendance éditoriale. 

L'échange terminé, alors qu’il ne bridait aucune de ses paroles, Jean Daniel Belfond se révèle plus soucieux de son image. Un angle lui convient finalement malgré les rayons de « mauvais livres à l’eau de rose » rangés derrière lui. Après plusieurs décennies dans les livres, des parents éditeurs et une maison d’enfance où l’on pouvait rencontrer Ionesco  il sait que l’image compte, lui qui, à ses débuts, avait pâli en entendant un libraire lui lancer : « Vous vous n’êtes pas un éditeur, vous êtes un imprimeur ».  
 

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