5 JANVIER - ESSAIS Allemagne

C'est le moment où Paris perd son statut de capitale mondiale de l'art. Nous sommes en 1920, juste après la fin de la Première Guerre mondiale, qui a entraîné l'Europe dans l'hécatombe. Sur ces ruines est né le mouvement dada, explosion esthétique qui "a transformé tous les "-ismes" de l'art en petites histoires d'atelier surannées". L'art se politise en refusant le confort bourgeois qui a favorisé le chaos. C'est le sens des articles de George Grosz et de Wieland Herzfelde, ou de la conférence sur l'art du photomontage donnée en 1938 par Günther Anders en hommage à John Heartfield.

Ces articles traduits pour la première fois en français sont des prises de position, un renoncement à l'art pur au profit d'un art engagé. "Vos pinceaux et vos plumes, qui devraient être des armes, sont des fétus de paille vides." Cela se manifeste dans le langage quand Grosz et Heartfield s'en prennent à Oskar Kokoschka, qu'ils qualifient de "canaille de l'art" qui, "comme une soubrette avec ses maîtres, s'angoisse et tremble jusqu'à en chier dans son froc".

Ces analyses décapantes n'en constituent pas moins une vision très éclairée et très audacieuse de la fonction de l'art. "Les meubles du Bauhaus de Weimar sont sans doute construits de façon pertinente. Et pourtant, on s'assied plus volontiers sur bien des chaises produites en série et anonymement par des menuisiers - car elles sont plus confortables que celles conçues par un constructeur du Bauhaus ivre de romantisme technique."

Ces petits essais peuvent également être envisagés comme des résumés saisissants de l'histoire de l'art, au moment où tout bascule avec l'apparition de la photographie puis du cinéma. Quelle est donc la fonction de l'art par rapport au réel ? La réponse apparaît évidente aux yeux de ces artistes et penseurs après 14-18, qui ont écrit ces textes dans la fureur de l'Allemagne des années 1920, après l'échec de la révolution spartakiste et avant le cataclysme nazi.

Ce qui réunit ces quatre mousquetaires du beau, c'est la volonté d'en finir avec un art qui dépend de la bourgeoisie. Il doit donc mourir avec elle, pour mieux renaître afin de jouer un autre rôle. Celui de montrer la vérité bouffonne et tragique au-delà de la vérité établie. D'où le grotesque cher à Grosz ou le photomontage pratiqué avec force par Heartfield contre un ennemi commun, Hitler, et la montée du fascisme en Europe.

"L'artiste n'est jamais au-dessus de son milieu et de la société de ceux qui l'approuvent." Cet Art en danger a paru à Berlin en 1925. Il lui a été ajouté le texte du philosophe Günther Anders, qui, bien que postérieur, parle de cette époque en analysant les photomontages de Heartfield, reproduits dans cette édition. Nous disposons ainsi d'un document passionnant doublé d'un traité d'esthétique.

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