En 2003 je publie un livre intitulé À ce soir. Ce texte intime s’est écrit chaque nuit et dans la nuit, des années après la disparition de mon fils Rémi. Le père de Rémi, poète et écrivain, à qui le livre était destiné, me persuade de le faire lire par un éditeur pensant qu’il pourrait « aider » des personnes touchées par le plus grand des malheurs.
Je choisis Teresa Cremisi, que j’admire depuis longtemps. Elle me dit qu’elle veut le publier chez Gallimard. Je lui demande de prendre en charge ce texte et de ne pas faire ce qu’on nomme promotion. Elle tiendra parole magnifiquement. Et puis le service de presse de Gallimard m’a dit que j’avais beaucoup de courrier pour ce livre. Des lettres bouleversantes, de très jeunes femmes particulièrement.
« C’était la première fois que j’écrivais quelque chose d’aussi intime »
J’avais déjà sorti des livres d’histoires, des bios, mais c’était la première fois que j’écrivais quelque chose d’aussi intime. Ils m’ont convaincue d’aller au Salon du livre pour rencontrer ce nouveau public. J’ai hésité et puis finalement, j’y suis allée, alors que je n’aime pas beaucoup les signatures, j’ai toujours l’impression d’être comme une prostituée qui va vendre ses charmes.
J’arrive le samedi ou le dimanche et je vois une file sans fin. Ce n’était pas pour moi, mais pour ma voisine, Fatou Diome qui venait de sortir Le ventre de l’Atlantique aux éditions Anne Carrière. On ne peut pas aller contre le désir des gens, j’aurais dû suivre mon intuition. Il y a des livres qui ne vous donnent pas envie d’aller discuter avec leur auteur.
Les lectrices de mon texte ne voulaient pas me voir, elles voulaient m’écrire. Mais bravo aux éditeurs, bravo aux lecteurs d’avoir remarqué le travail de Fatou Diome. Une styliste formidable, une langue française magnifique. On avait l’impression que toutes les jeunes femmes les plus sympathiques de Paris souhaitaient la rencontrer.
On a discuté, on est devenues amies et on se voit toujours. Ce qui aurait pu être un four complet avec son lot de rancœur s’est transformé en une vraie amitié et en un moment merveilleux. Et lorsqu’on m’invite à l’étranger, je propose qu’elle fasse partie de la délégation. Grâce à Gallimard, j’ai rencontré Fatou…
