7 MARS - ROMAN France

Il y a eu Dans la vallée des larmes (Gallimard, 2009) et Soigner (Gallimard, 2010), puis, un peu en marge, Le dedans des choses (Gallimard, 2012). Avec ces trois livres, Patrick Autréaux, médecin malade, soignant changé en patient, a accompli ce qu'il a toujours voulu faire : écrire. « Etre écrivain, c'était bien plus qu'écrire mais sauver ce qui vous appartient de plus intime et dont on découvre qu'il n'est pas à soi », condense-t-il dans Se survivre, ce quatrième récit publié par Verdier, qui « clôt un cycle d'écriture ». Dernières images donc, en sept variations comme autant de méditations autour de la « vie perdue ». Puisque ce que raconte le survivant est un exil sans retour, les souvenirs fragmentés d'un dissident qui, du jour où il a quitté le monde des bien-portant, les terres de la santé pour appareiller pour un pays inconnu, « le pays du danger », est « devenu un habitant de ce rien qui entoure tout ». Le livre pose ces nouvelles coordonnées sur l'échelle de l'espace et du temps, dénude une nouvelle fois ce corps dont on ne reconnaît plus les contours, mais revient aussi sur ces formes paradoxales de bonheur, « l'impression d'une île enchantée », éprouvé au cours des traitements. « Est-ce que la maladie ne m'offrait pas cette poésie noire de la douleur ? » s'interroge l'écrivain qui s'attache à des moments d'intense solitude au monde : chantonner The end des Doors pour vaincre la terreur d'un examen médical, réfléchir à l'hypothèse de sa descendance au moment où le mot « stérile »« mutile comme un adieu ».

Se survivre honore surtout la promesse faite à un ami poète, rencontré au Vietnam dix ans avant la maladie, d'écrire sa vie. « La dette », dédiée à la mémoire d'Hoang Cam, sauve de l'oubli, une autre forme de l'exil, « un pur poète », « de ceux qui rendent vrais les clichés, une personnification de la résistance », vieux « grillon » persécuté et interdit de publication pendant trente ans.

Dans « Rémi », l'ultime chapitre du livre, Patrick Autréaux évoque encore cette promesse qui fonde son engagement dans l'écriture, devant un amant chorégraphe né à Saigon. Ce dernier l'invite alors à danser nu et les yeux ouverts. Et, traduisant pour lui Shakespeare, a cette exhortation libératrice : « Pense que tu sors du ventre du temps. »

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