Essai/France 23 janvierMaxime Rovere

Morts aux cons ! Vaste programme, soupirait de Gaulle. Mais qui sont-ils ? Si la bêtise est bien documentée, notamment avec le succès de la Psychologie de la connerie (Sciences humaines éditions, 2018), il n'en est pas de même des cons. Maxime Rovere (Pontifícia Universidade Católica de Rio de Janeiro) s'attaque au sujet avec méthode. Car derrière ce titre accrocheur se cache un très sérieux « essai d'éthique interactionnelle ».

Ce spécialiste de Spinoza revient aux fondamentaux. « Le problème n'est pas la connerie, ce sont les cons. » Et ils sont nombreux ! Plutôt que de les ignorer, il faut donc faire avec. Pour cela, un préambule est nécessaire. « On est toujours le con de quelqu'un ; les formes de la connerie sont en nombre infini ; et le principal con se trouve en nous-mêmes. Après avoir dit ça, on pourra commencer à réfléchir. »

C'est ce que fait l'auteur du Clan Spinoza (Flammarion, 2017). « Ce ne sont pas seulement les cons qui détruisent les conditions de la vie sociale, c'est aussi une société malade qui produit des cons. » Au fil des chapitres, l'ouvrage se transforme en manuel de résistance à la stupidité et aux stupides, avec une série de quatorze conseils pour vivre mieux en milieu hostile. Le premier est ainsi libellé : « Vous n'êtes pas le prof des cons. Changez les situations, pas les personnes. »

Car le con est extrêmement contagieux. En un rien de temps, il vous transmet le virus. C'est ainsi qu'un con peut en cacher un autre, soi-même. « En identifier un, c'est commencer à en devenir un autre. » C'est pourquoi ce qui est vécu comme une blessure morale a rarement des témoins, mais le plus souvent des complices. « Plus ils sont cons, plus c'est à vous d'être sage, c'est-à-dire de travailler à comprendre les choses pour les déplacer. »

Les cons sont finalement une chance, car ils obligent chacun à prendre des initiatives, à apaiser les conflits d'autorité dans lesquels ils nous entraînent. Certes le con souffre, mais cette souffrance est aussi nuisible pour lui que pour la société. « Pour affronter les cons avec nos meilleures armes, nous ne pouvons pas faire autrement que d'en passer par une esquisse de la philosophie du droit, dont le but ultime est de nous éclairer sur le concept d'autorité. »

Voilà où veut nous mener le philosophe. « Imposer vos normes, c'est le moyen le plus sûr de gâcher ce qu'il y a en elles de partageable. » La formule lui a pris quinze ans d'études, dit-il. Elle constitue le point central du livre. En transformant la répulsion en exclusion, on finit par voir des cons partout. La transformation des codes comportementaux via les réseaux sociaux oblige à minimiser les malentendus pour optimiser le vivre-ensemble. « Le fondement premier de la connerie est sans doute notre désir consubstantiel à tous d'exister séparément. » Voilà pourquoi il faut savoir aussi, pour rétablir les liens, jouer au con.

Maxime Rovere
Que faire des cons ?
Flammarion
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 12 euros ; 192 p.
ISBN: 9782081452077

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