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Le droit de l'autoédition

Le droit de l'autoédition

S'autoéditer est devenu pratique courante. Mais quel statut commercial adopter pour être dans les règles juridiques et fiscales?

De Samantha Bailly à Marco Koskas, les auteurs autoédités apparaissent en pleine lumière, suscitant parfois la polémique et l’ire des libraires qui souffrent déjà bien trop. Le phénomène n’est pas inédit, puisque l’édition originale de Cinquante nuances de Grey a été autoéditée et que Jean-Michel Apathie a, en France, été un des premiers noms connus à se promouvoir ainsi.  

C’est l’occasion de rappeler le cadre juridique de l’autoédition, très souple, puisque l’activité n’a parfois pas de caractère commercial déterminant. 

L’exercice sans forme juridique précise, c’est-à-dire sans créer de personne morale (société ou association), est toujours possible pour l’auteur autoédité. Mais l’absence d’étanchéité entre le patrimoine de l’entreprise et les biens propres de l’entrepreneur dissuaderont de procéder par cette voie d’une grande simplicité. Les auteurs-éditeurs recourent donc au régime de la société commerciale pour éviter d’être responsables personnellement des dettes et engagements liés à leur activité professionnelle. Seule la constitution d’une entité commerciale avec limitation de responsabilité sera vraiment appropriée, tant pour l’édition que pour la librairie.

Pour cette raison, sont donc à exclure la société en commandite comme la société en nom collectif, qui ne permettent pas de limiter la responsabilité des associés – même si, pour des raisons historiques, la société en nom collectif a été très longtemps prisée dans le milieu de la presse. Quant à la « société de presse », dont le capital peut certes être très faible, elle était également à déconseiller pour toute activité qui ne se cantonnerait pas à l’édition de revues. Son régime était en apparence fortement avantageux, mais il était réservé à un secteur précis, dont l’interprétation par les autorités ne s’étendait pas aux maisons d’édition de livres. De plus, depuis la réforme générale du droit des sociétés, son intérêt est très limité.

SARL, EURL, EIRL

L’auteur-éditeur recourra donc à la société à responsabilité limitée – la fameuse SARL – ou à la société anonyme. La SARL sera même préférable en deçà d’un certain volume d’activité, en raison tant de la lourdeur administrative de la société anonyme que des contraintes en termes de montant du capital ou de nombre d’associés. Et ce malgré l’apparition des SAS (sociétés par actions simplifiées).

La SARL, qui peut être constituée avec un capital minimal aujourd’hui très bas (un euro seulement depuis le 1eraoût 2003), peut même n’être propriété que d’un seul associé. Elle porte alors le nom d’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée), et les banques demandent en pratique à son fondateur une caution sur ses biens propres, ce qui enlève beaucoup de charme à ce statut…

De même, depuis 2011, il est possible de créer une EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée). La loi du 15 juin 2010, ayant engendré l’EIRL, est en effet entrée en vigueur au 1erjanvier 2011.

Il s’agit de permettre à tout entrepreneur individuel, créateur ou qui exerce déjà une activité notamment commerciale, quel que soit son chiffre d’affaires, de protéger ses biens personnels des risques liés à son activité professionnelle, notamment en cas de faillite, en affectant à son activité professionnelle un patrimoine. La séparation du patrimoine ne produit d’effet de plein droit qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés aprèsla déclaration d’affectation. Cependant, en cas de fraude ou de manquements aux obligations fiscales, sociales ou comptables, la responsabilité personnelle du dirigeant est engagée.

Les personnes exerçant préalablement leur activité sous forme de société sont en revanche exclues. L’EIRL n’est en effet pas une forme de société, ce qui distingue ce régime de celui, déjà ancien, de l’EURL. Toutefois, sur option, l’EIRL permet d’acquitter l’impôt sur les sociétés !

Le patrimoine affecté à l’EIRL comprend l’ensemble des éléments matériels ou immatériels nécessaires à l’activité professionnelle, qu’il s’agisse d’équipement, d’immobilier, d’un brevet, d’un droit au bail, d’un fonds de commerce, etc. Il est même prévu, depuis début 2013, qu’un entrepreneur exerçant plusieurs activités distinctes pourra constituer un patrimoine d’affectation pour chacune d’elles.

Pour créer une EIRL, il suffit de déposer une déclaration d’affectation au registre du commerce et des sociétés pour les commerçants, au répertoire des métiers pour les artisans, ou encore au greffe du tribunal du commerce pour les auto-entrepreneurs. La déclaration d’affectation doit comporter un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l’activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur. L’affectation professionnelle d’un bien immobilier doit être effectuée par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques. 

La mention « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » (ou simplement le sigle EIRL) doit accompagner la dénomination commerciale de l’entreprise sur tous les documents professionnels (devis, factures, etc.). Enfin, les comptes annuels doivent être publiés et valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté.

Il existe par ailleurs un statut d’autoentrepreneur depuis la loi de modernisation de l'économie en date du 4 août 2008. Ce régime a été conçu pour développer une activité professionnelle dans un cadre administratif moins contraignant que celui d‘une société. Il est ainsi possible de s‘inscrire en ligne, etc.       
Toutefois, ce statut est limité par les plafonds de chiffre d'affaires annuels. Il faut également relever qu’est expressément exclue « la production littéraire (…) lorsque les bénéficiaires ont opté pour une imposition sur la base d’une moyenne des bénéfices des deux ou quatre années précédentes ». Un écrivain autoédité ne peut donc pas toujours utiliser ce statut.

Relevons cependant que l’autoentrepreneur peut « étanchéiser » ses patrimoines professionnel et personnel en créant une AERL, c’est-à-dire une auto-entreprise à responsabilité limitée…
 
 
 
 
[1]Véronique Rossignol, « Un statut juridique pour chaque situation », Livres Hebdo, 14 janvier 1994.

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