LE SIÈCLE LITTÉRAIRE

Première réunion de l'académie en 1903; de gauche à droite : Lucien Descaves, Gustave Geffroy, J.-H. Rosny aîné, Joris-Karl Huysmans, Léon Hennique, Léon Daudet, Justin Rosny jeune, Elémir Bourges (manquent Octave Mirbeau et Paul Margueritte).- Photo ARCHIVES GONCOURT/FRÉDÉRIC HANOTEAU/EDITIONS GALLIMARD

Tout en restant fidèle aux testaments d'Edmond de Goncourt (1822-1896), le fondateur en mémoire de son frère Jules (1830-1870), scrupuleux et prémonitoires, l'illustre académie qui porte leur nom a entamé depuis quelques décennies une véritable métamorphose. Notamment sous l'impulsion d'Hervé Bazin, qui en fut le président de 1973 à 1996 : diversification des prix et bourses (Goncourt de la Nouvelle, de la Biographie, de la Poésie, des Lycéens...), volonté de "transparence", internationalisation, rajeunissement des membres en réactivant le système de l'honorariat après 80 ans, et recrutement de jurés strictement indépendants des maisons d'édition.

Robert Kopp- Photo OLIVIER DION

Alors que le prix 2012 sera décerné dans quelques semaines - par un aréopage réduit à neuf membres en attendant le successeur de Robert Sabatier, disparu cet été -, l'universitaire et essayiste suisse Robert Kopp consacre à son histoire un volume passionnant, particulièrement riche en documents sortis des trésors mêmes de l'académie, légués et conservés aux archives municipales de Nancy, région dont les frères Goncourt étaient originaires. L'auteur y rappelle toutes les péripéties qui jalonnèrent la longue histoire de cette "contre-académie", créée pour damer le pion à l'Académie française, propager le souffle du naturalisme, "mais anti-Zola". Et d'un certain esprit frondeur contre l'académisme, justement. Il en retrace l'évolution jusqu'à nos jours, ne se privant pas au passage de quelques anecdotes piquantes : ainsi, on apprend que le seul lauréat qui aurait encaissé le chèque symbolique de 50 francs (maintenant 10 euros), remis à l'élu, serait feu Jacques Chessex, récompensé en 1973 pour L'ogre, chez Grasset. Ou encore que le très influent François Nourissier, "pape des lettres" et président de l'académie Goncourt de 1996 à 2002, aurait été séduit par l'idée de troquer son couvert de chez Drouant contre un fauteuil sous la Coupole du quai de Conti. Il aurait même, peu de temps avant sa mort en 2011, envisagé une espèce de "confédération" des deux académies !

Robert Kopp a également eu la bonne idée de citer les termes exacts du testament d'Edmond, dans sa version finale de 1895, où il définit très précisément ce que devait être "son" prix. Ce qui était somme toute normal puisqu'il était, sur ses fonds propres puis grâce au produit de son héritage, le mécène des dix jurés (à raison de 6 000 francs-or de l'époque par an, soit à peu près 30 000 à 40 000 euros), et celui du lauréat, qui recevait 5 000 francs-or. Le système, déjà mis à mal par la dévaluation du franc Poincaré, disparaît après la Seconde Guerre mondiale. Le prix n'est plus doté, ni les jurés appointés. Ils ont juste leur couvert à vie chez Drouant.

Edmond de Goncourt écrivait donc : "Ce prix sera donné au meilleur roman, au meilleur recueil de nouvelles, au meilleur volume d'impressions, au meilleur volume d'imagination en prose, et exclusivement en prose, publié dans l'année". Puis, plus loin : "Mon voeu suprême, voeu que je prie les jeunes académiciens d'avoir présent à la mémoire, c'est que ce prix soit donné à la jeunesse, à l'originalité du talent, aux tentatives nouvelles et hardies de la pensée et de la forme." Il n'a pas toujours été exaucé. Mais voilà de quoi couper court à quelques polémiques, byzantines et récurrentes.

Robert Kopp, Le prix Goncourt, "Découvertes"/Gallimard, 128 p., 13,50 €, ISBN : 978-2-07-044817-3. Mise en vente le 27 septembre.

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