27 SEPTEMBRE - RÉCIT Liban

Imane Humaydane- Photo CATHERINE HÉLIE/GALLIMARD

"L'individu, dans ma famille, [n'a d']histoire que si [...] sa vie [est] couplée avec une date mémorable", affirme Myriam, la narratrice, dès les premières pages de D'autres vies de >la Libanaise Imane Humaydane. Et ces dates ne manquent pas dans une famille druze libanaise : coup d'Etat, guerre civile, exil, retour - les vies sont, notera encore la narratrice, comme la terre libanaise : accidentées et discontinues. Myriam a quitté le Liban jeune fille, avec sa famille, pour l'Australie, avant d'aller vivre au Kenya un mariage ennuyeux. Elle retourne à Beyrouth après vingt ans d'absence, pleine de questions sur le passé et le présent, et se trouve plongée dans la confrontation entre ses souvenirs et la réalité, dans une ville reconstruite à toute vitesse, bruissante de deuils et de nouvelles rencontres... Le récit se déploie dans cet espace chaotique, couturé, à vif ; et comme à Beyrouth, seul le ressac est à même de rendre à l'ensemble un rythme et une harmonie. Ce mouvement de va-et-vient, c'est en effet aussi celui de la conscience, "en revenant toujours au point de départ". Ici, le récit du retour adopte la logique erratique du ressassement et le son continu des vagues qui engloutissent ou remontent à la surface des objets aux contours indécis. L'écriture suit leur rythme ample et aléatoire ; pleine de retenue, elle place pourtant le lecteur dans le balancement de la mémoire et de l'oubli, des naissances et des deuils, de la passion et de l'absence, du familier et de l'étrange. Et ces allers-retours intimes se doublent d'autres, à l'échelle du globe, tramant une histoire sur les cinq continents. Imane Humaydane sait dire aussi bien l'émigration que les racines, la passion sensuelle que le questionnement religieux, aussi bien la douleur de la guerre que la joie d'une conversation téléphonique. Car le vrai balancement est celui de l'ici et de l'ailleurs, de l'âme qui navigue à vue entre l'individualité et l'histoire collective, les racines et la légèreté. Ou comment un roman de deux cents pages raconte toutes les mers du monde.

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