Ukraine

Dans une interview donnée le juillet dernier au Los Angeles Review of Books, le poète et romancier ukrainien Youri Androukhovytch constatait que chaque tentative de la Russie pour détruire la culture ukrainienne produisait l'effet inverse : "La tendance a ne parler que l'ukrainien se répand largement. Les prochains poèmes, romans et essais seront écrit, lus et commentés en Ukrainien. C'est le meilleur moyen de survivre à la catastrophe humanitaire que les Russes nous font subir." De fait, depuis la révolution de Maïdan en 2014, écrivains et artistes n'ont cessé de s'engager contre Moscou. Ceux qui vivaient en Crimée l'ont massivement payé, puisque, selon la Mission du Président d'Ukraine dans la République autonome de Crimée, 162 d'entre eux ont été emprisonnés ou déportés vers la Russie. Certainsqui résidaient dans les territoires occupés ont subi un sort similaire, à l'instar de Stanislav Aseyev. Arrêté en 2017, détenu et torturé à Donetsk pendant deux ans demi, il a, en 2021, raconté son calvaire dans un livre-témoignage, The Torture Camp on Paradise Street.  En revanche, l'écrivain Volodymyr Vakoulenko, arrêté le 23 mars dans son village près de Kharkiv est désormais considéré comme mort. 

Les arts et les lettres délibérément visés

Depuis le début de l'invasion russe, en février dernier, les représentants des arts et des lettres sur les terres ukrainiennes encore indépendantes sont aussi des cibles de choix pour l'armée de Vladimir Poutine. Selon le site de PEN Ukraine, au 24 octobre dernier, 31 civils écrivains, artistes et travailleurs culturels ont été tués dans des attaques russes, s'ajoutant ainsi à la liste de ceux qui servaient sous l'uniforme ukrainien. Le rapport des PEN clubs américain et ukrainien publié fin décembre rappelle par ailleurs que certaines attaques contre les lieux de culture ont été délibérées, comme le bombardement le 16 mars du Théâtre de Marioupol qui abritait des civils, ou, dès les premiers jours du conflit, comme l'envoi d'un missile sur le Musée d'Histoire Ivankik près de Kiev, qui fut  le seul bâtiment du village a être frappé. En mai, c'était le Palais de la Culture de Lozova, près de Kharkiv qui était visé. Une institution culturelle majeure de la région, dotée d'un auditorium et d'une vaste bibliothèque. Okasana Boyarynova, membre du Bureau de l'association des Bibliothèques ukrainienne constate que près de 2500 bibliothèques sur les 15000 du pays sont fermées suite aux dommages qu'elles ont subies.

L'édition ne faillit pas

La guerre a aussi un impact sur les fabricants du livre. Selon l'Institut du Livre ukrainien, en juillet dernier, sur les 258 maisons d'édition du pays, 191 étaient encore opérationnelles. Mais en dépit de ces pertes, le secteur revendique une vivacité encourageante qui confirme le constat de Youri Androukhovytch. Au milieu de l'été Vivat, éditeur important basé à Kharkiv, n'avait pas renoncé a publier tous ses titres prévus pour 2022, malgré le bombardement de son imprimerie et l'arrêt complet des rotatives entre mars et mai. Ses stocks sont restés un temps inaccessibles dans des hangars de la ville assiégée, avant d'être délocalisés à Lviv. En mai, Vivat a repris ses activités -d'abord sur internet-  et a réouvert sa librairie avec une lecture publique faite par Sehiy Zhadan, poète célèbre en Ukraine. En octobre l'éditeur a inauguré une autre librairie à Kiev. Et, le même mois, le festival littéraire de Lviv, l'un des plus grands du pays, a pu accueillir son public... 

Rapport de PEN club Amérique et Ukraine, Ukrainian Culture Under Attack : Erasure of Ukrainian Culture in Russia's War Against Ukraine   : https://pen.org/wp-content/uploads/2022/12/Ukraine-Culture-Under-Attack-12-20-22.pdf

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