4 avril > Roman Corée

Ce premier roman de la Coréenne Cheon Un-yeong, 42 ans, nouvelliste à succès dans son pays, traduite pour la première fois en français, suit le parcours de trois personnages : deux frères coréens et une jeune femme, que les deux hommes ont rencontrée en Chine par l’intermédiaire d’une agence matrimoniale. L’aîné, Inho, un restaurateur qui a eu dans sa jeunesse les cordes vocales endommagées lors d’un accident, l’a épousée et ramenée dans la maison familiale, dans la banlieue de Séoul. Le plus jeune, Yunho, le « seul capable de distinguer tant bien que mal une voix humaine dans ce bruit de scie », a servi d’interprète et de « recruteur » pour son frère. Son rôle : éliminer les candidates au mariage qui s’enfuiraient sitôt obtenu le précieux visa coréen, sésame pour une nouvelle vie.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Mais Haehwa, toute jeune masseuse chinoise, se révèle une compagne discrète et dévouée de ce « voyageur », comme on appelle ces Coréens partis hors des frontières chercher une épouse étrangère. Son mari est « gentil et bon comme personne » ; elle a été immédiatement adoptée par sa belle-mère qui souffre de diabète et vit son dernier printemps… Le récit alterne la narration de l’exilée et celle du frère cadet qui réprime de plus en plus difficilement le désir qu’il éprouve pour sa belle-sœur délicate et opaque. La jeune femme, elle, veut se persuader que le bonheur l’attend dans ce nouveau foyer, loin de chez elle, et elle s’emploie à chasser le souvenir d’un homme, un archéologue rencontré près du tombeau d’une princesse, sur les vestiges du royaume de Balhae, disparu et mythique.

Mais tant d’élans frustrés créent une tension qui va crescendo. Et le beau-frère fuit pour Sokcho, ville portuaire du Nord-Est, où il se fait embaucher comme « ttaigong », une sorte de petits contrebandiers. Le roman avance ainsi dans le piège, entre consentement et enfermement, dans le renoncement aux espoirs de vie paisible qui apparaissent aussi fugitifs que les fleurs de pêchers dont la vieille mère coréenne attend la saison avec ravissement. La violence des sentiments est pourtant recouverte d’une puissante douceur qui se mue peu à peu en menace.

Adieu le cirque ! doit son titre à la scène inaugurale où les deux frères assistent en Chine à un spectacle où des gamins voltigeurs lancent des couteaux et où une fillette, acrobate drapée dans un tissu se déroulant brusquement, se précipite dans le vide… Mais le cirque, c’est aussi les numéros un peu pathétiques - où se mêlent danger et inconscience - qu’exécutait l’aîné pour tenter de faire rire et impressionner, enfant, son jeune frère, et plus tard son épouse. « Le vrai cirque, c’est celui qui met la vie elle-même en danger », remarque le cadet. Et qui finit mal.

Véronique Rossignol

11.10 2013

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