Essai/France 2 octobre Christian Grataloup

Les cartes racontent des histoires, voilà pourquoi il est important de bien les choisir, pour le récit qui les sous-tend, pour l'intention qui les façonne. Le projet de cet Atlas historique mondial est clairement défini par son titre même. Il s'agit de montrer l'histoire - monde que Patrick Boucheron défend dans son introduction. « Car si cette histoire tranche, elle ne retranche rien. Elle élargit et complète notre expérience de l'humanité en multipliant les points de vue inédits sur le monde - depuis les navigateurs du Pacifique, les carrefours de l'Ancien monde, la naissance du bouddhisme ou les Printemps arabes de 2011 pour n'en citer que quelques-uns - mais n'en dédaigne pas pour autant les questions plus classiques de l'histoire nationale européenne. »

Christian Grataloup (université Paris-Diderot) a donc cherché à « s'émanciper d'un Grand Récit eurocentré ». Il s'est appuyé pour cela sur les cartes produites par la revue L'Histoire depuis 1978. Ce géohistorien a également profité des prouesses techniques de la société Légendes Cartographie. Cela donne cet ouvrage remarquable qui permet d'entrer autrement en contact avec le passé, grâce à l'apport méthodique de la géographie. « La géographie est une école de la précision historique, note Patrick Boucheron, et la carte qui résulte de cet effort donne à voir un moment dans l'aventure de la connaissance du passé. »

Christian Grataloup et l'équipe de spécialistes à laquelle il a fait appel nous offrent donc de beaux moments historiques. On y retrouvera ce que l'on sait et surtout ce que l'on « sait ne pas savoir » comme cette carte sur la propagation de la nouvelle de la mort d'Henri IV en 1610, cette autre sur la menace des loups entre 1580 et 1840, celle sur le taux d'alphabétisation sous l'Ancien Régime avec la disparité hommes - femmes, celle sur les oppositions à la Révolution française, celle sur les murs construits dans le monde depuis 1900, jusqu'à celle sur les changements climatiques.

Pour Christian Grataloup un Atlas historique « est toujours un aveu de rapprochement et de mise à distance ». Deux notions sont essentielles dans l'élaboration des cartes : l'échelle et les légendes. De façon poétique, on peut envisager la première comme une échelle qui permet aussi de hisser le lecteur à un savoir longuement acquis, chaque trait dissimulant des bibliothèques. Les légendes, elles, entourent l'histoire dans une sorte de halo qu'il faut dissiper, en légendant justement.

Chemin faisant, on voit bien combien les notions de mondialisation et d'interconnexion prennent de l'ampleur à mesure que nous avançons sur la frise chronologique. La carte sur les emplacements des câbles sous-marins est à ce titre saisissante et on comprend immédiatement pourquoi le récit change avec le temps. En 1978, l'Atlas historique Larousse était envisagé par son directeur Georges Duby comme une « une histoire globale des civilisations ». Les civilisations sont toujours là dans cet Atlas historique mondial, mais comme un bruit de fond de quelque chose de plus vaste. Voilà pourquoi il devrait assez vite s'imposer comme une référence en la matière.

Christian Grataloup
Atlas historique mondial - Introduction de Patrick Boucheron
Les Arènes
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 29,90 euros ; 656 p.
ISBN: 9782711201846

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