8 janvier > roman Norvège

Finsland est une terre sauvage au sud de la Norvège. Une communauté rurale très resserrée où tous les habitants se connaissent. Tout est serein à Finsland, à part ce printemps d’il y a trente ans. Cela avait commencé le 6 mai 1978, un premier feu dans une grange, puis un second dix jours après, le troisième eut lieu le même mois… Ainsi de suite jusqu’à l’incendie de la maison d’Olav et Joanna, un couple de vieux qui faillirent y laisser leur reliquat de vie. Dixième et ultime feu dans la nuit du 5 juin, la veille du baptême du narrateur d’Avant que je me consume, premier roman traduit de l’écrivain norvégien Gaute Heivoll. Avant que je me consume est l’enquête rétrospective de cet « été » criminel, mais ici rien de policier, car le pyromane - qui n’est autre qu’un gars de 19 ans, Dag, fils unique du chef de brigade Ingemann et de sa femme Alma - a été arrêté peu de temps après son dernier crime. Si suspense il y a, il ne se situe pas dans la découverte de cette vérité-là. La vérité est ailleurs, toujours fuyante. La question demeure : « Qui voyons-nous quand nous nous regardons ? » Le livre de Heivoll, contemporain de son propre narrateur, mêle autofiction, investigation et vrais faux souvenirs. La folie de l’incendiaire fait écho au malaise identitaire du personnage Gaute Heivoll : « M’en aller. Partir loin de cette saleté, de cette bassesse, loin de cette bière, de cette eau-de-vie distillée illégalement chez soi, loin de cette simplicité et du prévisible, loin des forêts et de tout ce que j’aimais au plus profond de mon être. » Dag, le si bon garçon qui avait eu tout pour réussir, a préféré réduire en cendres ses hautes aspirations plutôt que de persévérer dans une voie médiocre à ses yeux. De même, à 20 ans, au moment où son père agonise d’un cancer, Gaute qui avait tout fait pour aller étudier le droit à Oslo rend copie blanche le jour de l’examen. Le jeune homme brûle ses vaisseaux pour devenir écrivain. Remords : à son père mourant, il ment et dit avoir obtenu la meilleure note.

Le tour de force de ces pages tient à la construction subtilement circulaire tel un doux vertige, immisçant dans les séquences très bien reconstruites de l’année 1978 (sur fond de Mondial de foot en Argentine) des épisodes sur les propres drames et questionnements du narrateur. Tristesse de ce qu’on a perdu, nature qui enseigne le passage des saisons. L’écriture du romancier se double ici de celle d’un poète (Heivoll est également auteur de poésie et de livres pour la jeunesse) : le récit au-delà du naturalisme descriptif a la qualité d’une plume qui vibre au diapason des sensations. S. J. R.

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