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Les éditeurs à l'assaut du podcast

L'application primo de chez Robert Laffont - Primo - OK2A1149 - Photo Olivier Dion

Les éditeurs à l'assaut du podcast

L'engouement mondial pour le podcast n'a pas échappé au monde du livre. En France, quinze programmes audio ont déjà été créés par des maisons d'éditions. 

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Par Cécilia Lacour,
Créé le 10.01.2020 à 10h39

A peine ont-ils assimilé les codes d'Instagram1 que les éditeurs doivent se familiariser avec un nouveau format : le podcast. Il rencontre un succès mondial depuis la diffusion aux Etats-Unis du programme d'investigation « Serial » en 2014. « Nous sommes passés d'une société de l'écrit à une société de l'image et, désormais, à une société du son », observe Anne de Lilliac, directrice du service numérique de Fleurus. Impossible de ne pas réagir face à cet intérêt croissant du public : en France, depuis juin 2018, treize maisons d'édition ont créés quinze podcasts, dont sept ont été lancés au cours du second semestre 2019.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Le podcast permet de « s'adresser au lecteur de manière différente en lui proposant des contenus complémentaires », estime Aurélie Benoit-Gonin, directrice Connaissance client chez Editis. Le groupe a inauguré en mars « Des livres et moi » dans lequel Vincent Malone, du studio Le Poste général, reçoit des auteurs d'Editis pour des entretiens intimistes d'une vingtaine de minutes. Huit podcasts ont été lancés par les maisons du groupe dont l'incontournable « Primo », coproduit par Robert Laffont et Nouvelles Ecoutes, qui suit le parcours de trois primo-romancières.

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Lors de la rentrée littéraire, Flammarion s'est illustré par un dispositif de communication centré sur une série de podcasts conçus et produits par la journaliste Géraldine Sarratia (Genre idéal). « Le podcast s'est créé avec l'envie de donner une voix à la littérature, d'être plus proche des lecteurs et des libraires », explique Marie Nardot, chef de produit Littérature. Ce lien de proximité, voire d'intimité, partagé entre les auteurs et les auditeurs séduit particulièrement l'ensemble des éditeurs interrogés.

Contraintes techniques

Pour autant, le processus d'élaboration d'une création sonore originale est semé d'embûches. Le matériel d'enregistrement, le logiciel de montage et de mixage, la plateforme d'hébergement ou la diffusion du flux RSS du pod-cast sur les plateformes d'écoute sont autant de problèmes à résoudre. Seule une poignée de maisons a les compétences techniques en interne. « Je produis mon propre podcast depuis deux ans. Je savais quelles étaient les erreurs à ne pas commettre », raconte Mélanie Lecamus, chargée de communication et réalisatrice de « Dans ta poche », lancé pour le 40e anniversaire du Livre de poche jeunesse. Elle a utilisé son propre matériel, « effectué les pré-entretiens, la prise de son et le prémontage ». Seuls le montage et le mixage ont été délégués à un prestataire. « C'était trop chronophage pour que je puisse m'occuper de tout, en plus du reste de mon travail », explique Mélanie Lecamus.

Les premières saisons d'« Histoires de jeunesse » (Bayard) et de « 4 minutes avec PKJ » (Pocket Jeunesse) ont elles aussi été produites en interne. Dans les deux cas, les équipes ont été formées à la création sonore et se sont équipées en conséquence. Leslie Meyzer, éditrice fiction chez Bayard, poursuit désormais l'aventure du podcast avec un prestataire puisque « l'équipe du début est déployée sur les podcasts des titres de presse du groupe ».

Pour un rendu sonore plus poussé, Pocket Jeunesse s'est également tourné vers un prestataire pour le montage et le mixage de la deuxième saison. Le podcast, conçu pour « partager les coulisses de la maison de manière ludique », explique Marion Houdan, chef de projet digital et innovation, a d'ailleurs changé de format et est devenu « 12 minutes avec PKJ ». « Nous avions envie d'en dire davantage et d'accorder plus de temps à nos invités », affirme Marion Houdan.

Les éditeurs choisissent en général dès le départ de collaborer avec des prestataires. Certains misent aussi sur l'expertise des médias, comme Robert Laffont qui coproduit « Secrets d'enquêteurs » avec Le Figaro ,ou Pocket, qui collabore avec My Little Paris sur « Keep it simple » pour promouvoir les titres de la collection « Evolution ».

« Radio Médecine Douce apporte des compétences que nous n'avons pas et nos lignes éditoriales sont en totale adéquation », assure Sophie Rouanet, directrice éditoriale de Leduc.s. Les deux marques se sont associées pour coproduire « Pause ! », une émission diffusée sur la webradio de développement personnel un mercredi sur deux et disponible en replay sur les applications de podcasts.

Autre exemple : « Parlons livres avec Nathan » « tend le micro aux libraires indépendants » qui présentent leurs coups de cœur parmi les nouveautés de la maison, explique Quentin Gauthier, directeur communication et marketing de l'éditeur jeunesse. Cette émission hebdomadaire, créée en collaboration avec RTL, est disponible sur les applications de podcast après une première diffusion à l'antenne.

Communication

Chez Fleurus, Anne de Lilliac et Anne Lafay, directrice marketing de Mango, se sont entourées de l'agence Georges et Madeleine pour produire « Famille complice ». Le podcast propose un échange entre Anne Lafay et Anne-Claire Kleindienst, auteure d'un Petit décodeur illustré de l'enfant en crise (Mango, septembre 2017), sur la parentalité positive. « L'agence a été précieuse sur la partie technique et promotion », reconnaît Anne de Lilliac. Mais cette dernière n'avait pas « anticipé le travail » inhérent à la production du podcast. « Nous l'avons développé comme un livre où chaque épisode ressemblait à un chapitre et il a fallu adapter tout le contenu du livre pour un échange oral », explique Anne de Lilliac.

Assistée par le studio Nouvelles Ecoutes pour la production de « Primo », Margaux Rol, chef de projet marketing chez Robert Laffont, était aussi « dans le flou puisque c'était une création de contenu que personne n'avait encore fait ». Formée pour faire elle-même les prises de son, « les équipes deNouvelles Ecoutes ne pouvant pas être présentes dans les locaux tous les jours pendant un an », Margaux Rol a dû acquérir certains réflexes comme l'enregistrement de transitions sonores ou la présentation systématique de chaque interlocuteur « pour que l'auditeur puisse savoir qui s'adresse à qui ».

Si « les podcasts restent relativement simples à produire, la difficulté majeure est de les faire connaître », avance Quentin Gauthier. « Nous n'avons pas encore trouvé le moyen idéal de communiquer sur Histoires de jeunesse en dehors des réseaux traditionnels », admet Leslie Meyzer, chez Bayard. Sans compter qu'« il existe une telle offre qu'il est difficile d'émerger », pointe Anne de Lilliac chez Fleurus.

Faute de modèle économique, les podcasts ne sont pas non plus rentables. Leur intérêt est ailleurs. Pour Laure Paradis, responsable marketing de Leduc.s, il faut les considérer comme « un moyen supplémentaire de communication et de valorisation ». Pour Margaux Rol, il s'agit avant tout de « faire découvrir de nouvelles voix et montrer à nos auteurs que nous sommes capables de déplacer des montagnes pour eux ».

Le lancement d'un podcast permet aussi de donner la parole à des structures éditoriales. Avec « Un livre dans le tiroir », Kobo tente de « montrer la diversité de ses visages, de parler en tant que librairie, éditeur et dénicheur de talents », explique Camille Mofidi, manager Europe continentale de Kobo Writing Life.

Le podcast s'impose comme un puissant outil de communication pour les maisons. Mais, « il ne doit pas être l'unique levier de communication, au risque de se couper d'un lectorat qui n'écoute pas de podcasts, prévient toutefois Marie Nardot. Le format vidéo reste très attractif et ne doit pas être oublié. » 

(1) Voir LH 1173, du 11.5.2018, p. 16.

Ambiance book club

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Avec l'avènement des applications de podcasts, la quasi-totalité des émissions littéraires diffusées à la radio sont désormais disponibles en replay sur les smartphones. C'est par exemple le cas de « La Voix est livre » (Europe 1), « Le temps des écrivains » (France Culture) ou « Le masque et la plume » (France Inter). Certaines émissions télévisées sont elles aussi déclinées sous format audio. Au programme de France 5 tous les mercredis soir, « La Grande Librairie » est désormais disponible en replay sur les applications de podcast le lendemain de sa diffusion à l'antenne.

Quelques médias ont lancé des podcasts natifs consacrés au livre et à la lecture. Louie Media, l'un des principaux producteurs de podcast en France, propose « Le Book Club » diffusé un mardi sur deux. Le podcast invite de grandes lectrices, comme Françoise Nyssen, Karine Tuil ou Catel, à ouvrir leur bibliothèque et à partager trois livres qui comptent pour elles. Deux semaines après la diffusion de chaque épisode, Louie Media organise un vrai club de lecture consacré à l'un des ouvrages évoqués.

Proposé par LCI, « Les Gens qui lisent sont plus heureux » donne la parole à des « écrivains mais aussi chanteurs, acteurs, personnalités politiques ou de la société civile » pour partager leur « amour des mots et des histoires », selon la description du podcast. Trente et une personnes se sont prêtées au jeu parmi lesquelles Romain Puertolas, Joël Dicker et Agnès Martin-Lugand. Depuis novembre, le site Actualitté propose des chroniques d'ouvrages sous format audio avec son podcast hebdomadaire « Vois Lis, Voix Là ».

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