5 JANVIER - ROMAN France

Au début de l'été 1955, Batna, en Algérie, est un lieu encore préservé où commence à se faire entendre l'écho des "événements ». C'est encore un temps de cohabitation paisible entre les Arabes et les Juifs, où "les familles Cohen et Ben Batouche partagent la même cour », ainsi que le consigne le héros du roman de Caroline Boidé, David, un ébéniste juif, dans les carnets qu'il tient depuis qu'il a rencontré à Alger Malek, une jeune bibliothécaire musulmane. Entre eux, la passion s'est installée au même instant que le désir, dès la première rencontre. Et les deux se jettent dans l'histoire comme des affamés. "J'étais en crue en sa présence, plongé dans un délire vif", se souvient-il.

Mais le danger est vite là, menaçant ce couple audacieux. La première alerte vient de l'intérieur, un "incident » devant la synagogue, où, pour la première fois, la relation ne s'assume pas. Plus tard, c'est le rabbin qui rappelle à David ses devoirs à l'égard de la religion, tandis que Malek reçoit une lettre anonyme contenant des injonctions similaires, issues du Coran. Lui ne peut se résoudre à s'exclure de la communauté en transgressant ses règles, elle pressent le drame, se retranche dans le mutisme. Puis meurt brutalement.

C'est le point de bascule de ce roman sensuel et exalté construit en deux temps : celui de l'amour fou puis, une fois Malek disparue, celui du deuil éternel, de la survie souterraine des sentiments. Où celui qui reste, tout en consentant à s'engager dans une nouvelle vie, à se marier avec la femme qu'on lui a choisie, continue de déposer ses offrandes devant l'autel du chagrin, hanté par les mots qu'a écrits son amante dans un journal et qu'il découvre quand tout est perdu...

Caroline Boidé, à l'aube de ses 30 ans, donne une voix lyrique et vibrante à ses personnages, habités d'un amour utopique, aux frontières du mystique. De ces alliances des âmes, par-delà les corps, que rien ne peut rompre.

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