Fablabs en bibliothèque

Les fablabs en bibliothèque : vive la bidouille !

Le fablab mobile de la bibliothèque des Ulis. - Photo DR/Médiathèque François Mitterrand - Les Ulis

Les fablabs en bibliothèque : vive la bidouille !

Les fablabs, lieux de création et d’expérimentation autour du numérique, fleurissent dans les bibliothèques qui y voient un moyen attractif de renouveler leurs actions de médiation, tout en valorisant l’esprit collaboratif et créatif qui prédomine dans la culture "geek".

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Par Véronique Heurtematte
avec Créé le 08.06.2015 à 15h32

Plus de 1 500 personnes suivant le groupe Facebook créé par la commission de l’Association des bibliothécaires de France (ABF) sur les fablabs (1) en bibliothèques, une dizaine de journées d’étude rien qu’en 2015, dont celle organisée à la BPI qui a rassemblé 400 participants à Paris au lois de mai : l’engouement pour les "makerspaces" et autres fablabs (pour Fabrication Laboratory) s’est emparé des bibliothèques. Les bibliothécaires voient dans ces ateliers d’expérimentation et de fabrication utilisant des outils liés au numérique de nombreux avantages. C’est en particulier une manière de renouveler les classiques séances d’initiation à la bureautique ou au Web en proposant des actions sur un mode plus participatif, de rajeunir l’image de la bibliothèque et d’attirer un public nouveau.

Concours de fabrication sur Minecraft à Locminé.- Photo DR/MÉDIATHÈQUE MUNICIPALE LOCMINÉ

Incongrue, la rencontre entre la culture "geek" et celle des bibliothèques ? Pas du tout, selon la poignée de bibliothécaires qui œuvrent au développement de tels espaces. "Nous sommes toujours dans les missions fondamentales des bibliothèques, affirme Julien Devriendt, responsable du développement des services numériques des bibliothèques de Choisy-le-Roi et président de la commission Fablab de l’ABF. C’est seulement une manière différente de délivrer de l’information, basée sur l’expérimentation et l’échange de savoir-faire. A Choisy-le-Roi, nous voulions montrer aux gens que le numérique n’est pas une affaire de spécialistes, mais peut être utilisé au quotidien pour créer, s’amuser."

Pré?sentation de l’imprimante 3D par les jeunes de Locminé.- Photo DR/MÉDIATHÈQUE MUNICIPALE LOCMINÉ

Les activités proposées par les fablabs aux participants sont multiples : créer des objets, les détourner ou encore les réparer en réalisant la pièce manquante ou défectueuse avec une imprimante 3D, s’initier à la robotique ou au code informatique. On y associe souvent différentes techniques : dans un fablab, une machine à coudre peut côtoyer une découpeuse de vinyle et un ordinateur, dans un esprit "Do it yourself" (DIY) remis au goût du jour.

Valises de culture numérique

Si, comme le précise Benoît Vallauri, chargé de médiation culturelle à la médiathèque départementale d’Ille-et-Vilaine, il n’existe pas actuellement dans les bibliothèques françaises de vrais fablabs - car cela implique d’adhérer à la charte du célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology), inventeur du concept -, les initiatives se multiplient et prennent des aspects très variés. La médiathèque départementale 35 a par exemple mis en place des valises de culture numérique que les bibliothèques du réseau peuvent emprunter pour quelques semaines. Ces valises contiennent du matériel simple à utiliser, comme des cartes HID Makey Makey qui permettent de transformer n’importe quel objet du quotidien en clavier d’ordinateur, une Bibliobox, qui permet de partager des ressources numériques, et des stylos 3D. Le club de lecture d’une bibliothèque utilisatrice s’est approprié le matériel pour créer des "machines à lire" : en appuyant sur une pastille métallique, on active un fichier MP3 où sont enregistrés des extraits du livre et des critiques des lecteurs. Toujours en Bretagne, décidément très à la pointe en matière de culture numérique, la médiathèque de Locminé, dans le Morbihan, a été l’une des premières en France à acquérir une imprimante 3D. L’équipe organise des démonstrations et des ateliers pour le grand public mais également pour les scolaires et même pour les entrepreneurs locaux afin de leur faire découvrir les applications possibles de ce nouvel outil dans leur activité.

La bibliothèque des Ulis, dans l’Essonne, a de son côté élaboré un dispositif original : un fablab mobile constitué d’imprimantes 3D, de découpeuses de vinyle, de fraiseuses numériques, qui se déplace dans différents lieux et institutions, maison des jeunes ou centre commercial, et même à la déchetterie à l’occasion de la fête de la récupération !

Les bibliothèques d’Aulnay-sous-Bois, en région parisienne, pourraient bien être, quant à elles, les premières en France à disposer, dès la rentrée, d’un makerspace permanent. Installé dans une bibliothèque de quartier réorganisée, il mettra à disposition, entre autres choses, des imprimantes 3D et des découpeuses de vinyle.

Des liens avec les "makers"

Tisser des liens avec la communauté des "makers", comme on désigne les passionnés de technologie et de numérique, ou "bidouilleurs" en français, est l’un des enjeux importants pour les bibliothèques. Ces dernières cherchent auprès de ces communautés des connaissances, et offrent en échange des espaces, dont ne disposent pas forcément les associations, et leur compétence en matière de documentation. Dans la culture des fablab, en effet, toute expérimentation doit donner lieu à l’élaboration d’une documentation accessible librement à tous sur le Web. Les bidouilleurs n’étant pas des professionnels de l’information, les bibliothécaires ont là une carte à jouer. En Bretagne, à nouveau, le réseau de bibliothécaires Doc@Rennes propose au fablab de Rennes un rendez-vous mensuel baptisé Pizza-doc au cours duquel des bibliothécaires aident les bidouilleurs à élaborer une documentation autour de leurs projets.

Une fois par mois, les bibliothécaires des Ulis dans l’Essonne se retrouvent avec les utilisateurs de Proto 204, un espace collaboratif sur le campus de Paris-Saclay, pour échanger leurs connaissances. Le groupement des bibliothèques et espaces multimédias du pays de Pontivy, qui regroupe douze structures dont la médiathèque de Locminé, a quant à lui obtenu d’être labélisé partenaire du futur fablab qui ouvrira prochainement dans le secteur. Les bibliothèques bénéficieront de prêt de matériel, de séances d’animation pour les usagers et de formation pour le personnel assurées par les animateurs du fablab. En échange, les bibliothèques permettront au nouvel équipement de toucher un large public. "C’est une reconnaissance de notre action sur le territoire ", souligne Christophe Porchet, directeur de la médiathèque de Locminé.

Un rôle de facilitateur

De l’avis général des bibliothécaires qui ont tenté l’expérience du fablab dans leurs établissements, inutile d’être un as de l’informatique pour mettre en place ce type d’activité. "Cela ne demande pas de grandes compétences technologiques, mais plutôt d’être créatif, d’avoir de l’imagination, précise Cyrille Jaouan, coordinateur multimédia du réseau des bibliothèques municipales d’Aulnay-sous-Bois. Nous, on fait beaucoup de formations en interne, car il est nécessaire que le projet soit porté par l’ensemble des équipes, pas seulement par trois geeks dans leur coin." Cela nécessite cependant que les bibliothécaires changent leur posture vis-à-vis du public, qui est plus actif et plus autonome dans ce type d’activité. "Le bibliothécaire devient un facilitateur plutôt qu’un prescripteur", confirme Audric Gueidan, coordinateur de l’espace numérique des bibliothèques de la Caps (Communauté d’agglomération du Plateau de Saclay, à laquelle appartient la médiathèque des Ulis). Plusieurs bibliothèques, dont celles de Locminé, envisagent même de mettre à disposition en accès libre leur espace fablab.

A Theix, une commune proche de Vannes, ce sont les élus eux-mêmes qui se sont emparés du concept pour en faire le cœur du projet de leur future médiathèque. Un beau signe de reconnaissance.

(1) www.facebook.com/groups/fablabbib/

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