1er juin > Roman Etats-Unis

Dans le genre déjanté, farfelu, satirique, cru, ce livre est un chef-d’œuvre. On n’en attendait pas moins du grand Mark Haskell Smith, déjà auteur de Delicious, Salty et Défoncé, et de quelques ouvrages documentaires sur le cannabis et le nudisme. Cet Américain est de ceux que l’on aime particulièrement ici, si farfelu qu’il pourrait être anglais, dézingueur de l’american way of life, et francophile. A un moment, son héroïne, Harriet, critique littéraire sans concession, blogueuse et romancière qui rêverait d’être enfin publiée, constate que, comme les habitants de son Sacramento natal, tout le monde est "con", "à l’exception des Français. Les Français lisent encore des livres". Cocorico et merci pour celui-ci qui, derrière son intrigue désopilante, sa galerie de personnages inouïs, se veut une défense et apologie de la littérature. La vraie.

C’est-à-dire pas le livre de Sepp Gregory, Totale réalité, qui est en train de devenir un énorme best-seller. L’"auteur" - en fait, c’est un nègre, Curtis Berman, qui a écrit le truc, et en plus avec un talent fou - est un parfait abruti, du moins au début. Mais c’est aussi un chic type, un beau gosse dont les abdos en forme de tablettes de chocolat font rêver toutes les femmes de 17 à 77 ans, depuis qu’il les a montrés dans une émission de téléréalité à succès, où il avait des démêlés torrides avec Roxy Sandoval, sa partenaire. Une vraie garce, à la scène comme à la ville. Sepp, qui fait le job, est justement en tournée de promotion dans les librairies du pays, où il se met volontiers à poil si on le lui demande.

Harriet, elle, apôtre de la littérature de qualité, écume de rage devant ce triomphe immérité à ses yeux. Elle décide de dégonfler la baudruche, de démasquer la supercherie et le nègre sur son blog, férocement. Elle commence donc par lire le livre, et le trouve… formidable ! Passionnant, super bien écrit. Elle se rend à une signature de Sepp à Los Angeles et… tombe sous le charme.

Comme par hasard, Curtis est là aussi, écrivain frustré mais heureux d’avoir signé un contrat de 200 000 dollars pour écrire le livre de Roxy à la place de Roxy. Il rencontre Harriet, lui dévoile le pot aux roses. Elle est furieuse. Ils se bagarrent. Il tombe du balcon de sa chambre, mort. "Qu’aurait fait George Sand si, par mégarde, elle avait fait tomber un piano sur Chopin ?", s’interroge Harriet, paniquée. Sûrement pas, comme elle, embarquer Sepp dans une fuite éperdue avec le corps de Curtis, puis tous les deux en cavale. On laisse au lecteur ravi le soin de découvrir la suite.

La littérature, elle, a accompli un miracle : Sepp s’est mis à lire ! Jean-Claude Perrier

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