13 février > Roman Etats-Unis

Du moment que la littérature s’en empare, rien, jamais, n’est tout à fait banal. Le normal est irréel. Le banal ouvre dans la conscience des abîmes d’interprétation. La vie, pour qui sait la regarder ou, mieux, la décrire, n’est qu’une suite d’épiphanies mystérieuses. C’est du moins la leçon qu’un lecteur avisé retirera de l’œuvre d’un Tchekhov et surtout de ses disciples américains, Cheever ou Carver.

C’est aussi de cet "effroi du quotidien" que participe la lecture du dernier recueil de nouvelles de Tobias Wolff, Notre histoire commence. Curieux titre, tant au fond chacune des nouvelles qui composent le volume tendrait plutôt à tirer un constat d’échec ou à rêvasser sur un nouveau départ plutôt qu’à être dans l’éblouissement des commencements. Un militaire homosexuel vient vaguement en aide à la famille d’un camarade mobilisé en Irak, une enseignante est fugacement prise en otage par un parent d’élève mécontent, un homme se souvient de son adolescence passée à exécuter des travaux agricoles et de deux frères immigrés dont il fit alors la connaissance…

Héritier d’une certaine forme "d’impressionnisme littéraire" (mais aussi maître en écriture, à l’université de Syracuse, d’auteurs aussi différents et importants que Jay McInerney ou Tom Perrotta), Wolff offre de petites énigmes sur lesquelles la psychologie n’a jamais droit de cité. Ses histoires sont autant de propositions. Il affleure de tout cela un humanisme navré qui en dit plus long sur les Etats-Unis que bien des "big american novels" à l’ambition autoproclamée. Ce pays est une mère abusive qui aurait abandonné ses enfants à leur sort de laissés-pour-compte d’un rêve dévoyé. Bref, tout va mal, dans la plus grande des douceurs possibles.

Olivier Mony

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