Bilan

Librairies ex-Chapitre : des relances à plusieurs vitesses

La Nouvelle Librairie Baume, à Montélimar. - Photo Olivier Dion

Librairies ex-Chapitre : des relances à plusieurs vitesses

Un an après la liquidation judiciaire du groupe Chapitre, les 38 librairies reprises affichent des situations contrastées.

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Par Clarisse Normand,
Créé le 02.01.2015 à 00h34 ,
Mis à jour le 05.01.2015 à 10h25

Le 2 décembre 2013, le groupe Chapitre, à la tête de 52 librairies, demandait sa mise en liquidation judiciaire. Le 1er janvier 2014, il y a tout juste un an, 11 magasins quittaient le giron d’Actissia, la maison mère du groupe. In fine, 38 librairies ont été reprises, en comptant les quatre cédées en 2013 avant l’ouverture de la procédure. A l’exception de celle de Brive, rachetée par Patrick Hourquebie (fondateur de l’enseigne Alice) et déjà liquidée, les autres poursuivent leur chemin avec plus ou moins de facilité.

L’équipe de la librairie Ruc, à Colmar, fin octobre 2014.- Photo JOURNAL L’ALSACE/DOMINIQUE GUTEKUNST

S’il est encore un peu tôt pour dresser un bilan précis de la situation, une poignée d’établissements semblent toutefois en passe de transformer l’essai. C’est le cas de la Nouvelle librairie Baume à Montélimar, rachetée par Florence et François Veyrié, à la tête de La Maison jaune à Neuville-sur-Saône. S’étant donné les moyens de leurs ambitions, ils ont déjà "récupéré la clientèle de l’ex-Chapitre, mais aussi celle qui avait déserté les lieux depuis quelques années", estime François Veyrié. Résultat, "le magasin a retrouvé, voire dépassé les niveaux d’activité qui étaient les siens en 2012, avant la débâcle". A Nancy, pour Hall du livre repris par Gallimard, "tout se passe bien", assure aussi la directrice, Astrid Canada. "On a reconstitué les stocks, avec pour Noël plus de 100 000 références, et on est en train de retrouver les niveaux de ventes de 2012. Mais surtout, on sent que le potentiel n’est pas épuisé."

A Cherbourg, la reprise de Chapitre par Céline et Pascal Robert, les responsables du centre Leclerc et de l’Espace culturel E. Leclerc, a suivi un cours un peu particulier. Plutôt que de garder leurs deux points de vente, les repreneurs ont fermé en avril leur nouveau magasin du centre-ville et ont rapatrié l’équipe dans leur espace culturel qu’ils ont réorganisé et réaménagé. Confié à l’ex-directrice de Chapitre, Marie-Paule Pezière, l’espace librairie a enrichi son offre mais aussi ses animations… et la clientèle répond présente.

A Colmar, Ruc, rachetée par François Céard, responsable de la Librairie alpine à Gap, est aussi bien repartie. De même que Chapitre à Dax, Colbert à Mont-Saint-Aignan et Guerlin à Reims. Bien que rouverte tardivement et avec difficulté, la librairie Les Volcans à Clermont-Ferrand a vu son activité redémarrer très vite. Bien sûr, l’établissement surfe sur la mobilisation qui a entouré sa relance par une Scop, mais il profite aussi de l’arrivée de sang neuf dans ses équipes.

Dans le même temps, plusieurs autres magasins affichent un redressement en douceur mais encourageant, tels Cosmopolite à Angoulême, Develay à Chalon-sur-Saône, Encrage à Saint-Louis, Masséna à Antibes, Quartier latin à Toulon-La Garde, Corneille à Laval, Forum du livre à Rennes, Cajélice à Perpignan ainsi que Littera à Montbéliard et Mulhouse.

Prudence

Mais la prudence est de mise. Surtout dans certains magasins où le redémarrage s’avère plus lent que prévu. Au-delà d’une remise en état de l’outil de travail, avec la reconstitution des stocks, l’amélioration du service et la remotivation des équipes, l’enjeu consiste à reconquérir la clientèle perdue. Or, comme le résume Anthony Guillard (Quartier latin), "les clients partent plus vite qu’ils ne reviennent". Il faut leur redonner confiance et redorer l’image du point de vente, ce qui demande non seulement des efforts mais aussi du temps, comme l’expérimentent Forum des Champs à Saint-Brieuc, Forum Mirose à Roanne, Forum à Saint-Etienne et Privat à Toulouse.

Beaucoup de ces repreneurs ne cachent pas leur stress. Certains, à commencer par les anciens directeurs de magasins Chapitre, découvrent, en devenant entrepreneurs, les charmes de la gestion. "On m’avait dit qu’en étant indépendant je regarderais trois ou quatre fois par jour mes ventes et mon compte en banque… eh bien c’est vrai, observe Pascal Dulondel (Cosmopolite). C’est un aspect nouveau du métier mais qu’on apprend très vite !"

Du côté des sept librairies reprises par Albin Michel, à Besançon, Châlons-en-Champagne, Limoges, Lorient, Orléans, Paris et Sarreguemines, la tonalité apparaît raisonnablement positive quoique peu d’informations filtrent de la nouvelle direction.

Au-delà de l’impulsion plus ou moins forte donnée par les repreneurs, la rapidité des relances dépend aussi largement de l’état dans lequel l’outil de travail a été trouvé. En témoigne le cas d’Arthaud à Grenoble où le redressement se révèle assez compliqué. Volontariste, Jean-Christophe Cantin, son directeur, évoque la nécessité de "trouver de nouvelles façons de travailler et de réapprendre certains réflexes du métier".

Beaux-arts, vins et jouets

Mais les rachats qui se sont accompagnés d’une large diversification de l’offre peinent aussi à convaincre. C’est le cas de Pôle 58 à Nevers, ouverte aux beaux-arts, ou encore de Forum à Bergerac où le repreneur Patrick Hourquebie a développé, dans une ambiance sociale tendue, le concept de ses magasins Alice avec vente de vins et beaux-arts. Enfin, à Nice, le concept de La Sorbonne, qui a intégré du jouet et du livre soldé, laisse dubitatif. Cette relance, opérée par la chaîne canadienne Renaud-Bray, en association avec le soldeur français Alain Lévy, avait d’ailleurs d’entrée de jeu intrigué. Certains y voyaient pour le groupe étranger un moyen d’avoir pour ses approvisionnements une tête de pont en France. Une hypothèse que rien ne confirme pour l’instant.

Au-delà de la satisfaction générale devant la renaissance de 38 librairies, l’attentisme prévaut dans l’évaluation de chacune d’elles. Pour les diffuseurs, l’année 2014, perturbée et peu représentative, est surtout marquée par un bien désagréable manque à gagner. Déjà échaudés par les faillites de Virgin puis de Chapitre, les distributeurs restent, eux, très vigilants sur les en-cours. Dans ce contexte marqué par une certaine circonspection, les vannes n’ont pas été complètement rouvertes.

En attendant que 2015 apporte un éclairage plus précis sur l’ensemble de ces reprises, l’année démarre sur une bonne nouvelle : à Calais, Chapitre, fermée depuis février 2014, renaît de ses cendres et devrait rouvrir ce mois-ci à l’initiative de trois de ses ex-salariés.

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