Dossier Loisirs créatifs

Loisirs créatifs : le retour des perles

© Olivier Dion

Loisirs créatifs : le retour des perles

L’engouement pour les bracelets brésiliens et tibétains réveille depuis quelques mois un marché des loisirs créatifs en légère croissance. Les éditeurs misent sur la qualité en portant une attention particulière au graphisme et à l’esthétique de leurs ouvrages, sous influence de la mode japonaise et des nombreux sites de blogueuses.

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Par Véronique Heurtematte
Créé le 28.10.2013 à 11h44 ,
Mis à jour le 09.04.2014 à 17h41

L’âge d’or des perles serait-il de retour ? Après l’engouement pour les bracelets brésiliens, le secteur des loisirs créatifs s’emballe depuis quelques mois pour les Shamballas, ces bracelets d’origine tibétaine. Cette vogue est une aubaine pour les éditeurs, toujours à la recherche de la bonne idée pour animer un marché qui reste plutôt bien orienté mais subit néanmoins les difficultés de la conjoncture. « C’est intéressant car cela permet de toucher à nouveau un public très jeune, comme pendant la grande période des perles », se réjouit Guillaume Pô, directeur éditorial chez Fleurus. L’éditeur a publié en juin Bracelets & bijoux Shamballa, ainsi qu’un coffret Bracelets tendance. Marabout a édité Bracelets porte-bonheur, Bracelets Shamballa, Bracelets Shamballa : le kit complet, Bracelets brésiliens, Bracelets brésiliens : le kit complet et Bracelets charms : le kit complet. Dans le catalogue du Temps apprivoisé depuis plus de vingt ans, Bracelets brésiliens continue à enregistrer de bonnes ventes. La maison a lancé au premier semestre, dans sa collection « Jeunes talents », Mes bracelets brésiliens : 30 modèles pour faire un vœu, ainsi que Perles : 35 modèles pour s’amuser.

Plus généralement, la fabrication de bijoux connaît un regain d’intérêt. L’Inédite a réimprimé dès le mois de mars son ouvrage sur les bijoux en pâte polymère paru en octobre 2012. Larousse, fort du succès des Bijoux de Missbonbon chez Dessain et Tolra, en donne à la rentrée une version en coffret et proposera en octobre My little bijouterie, un coffret de 8 livres thématiques dont Bagues de perles, Bijoux en origami et bien sûr.. Shamballa.

 

Sous toutes les coutures

 

Dans le même temps, la couture, qui a eu le vent en poupe au cours des dernières années, notamment avec l’engouement pour la mode japonaise, connaît aujourd’hui un léger fléchissement. Les éditeurs cherchent à renouveler l’offre, déjà très abondante, avec des sujets plus pointus ou ciblant un public spécifique. Eyrolles propose aux couturières ayant déjà une certaine maîtrise des thématiques telles que Mode indienne, Couture casual wear homme, ou encore Habiller toutes les morphologies, parus au premier semestre. Les éditions de Saxe visent plutôt les débutantes avec Des vêtements charmants et féminins dans la collection « Coudre c’est facile », et Vivre en Liberty. Dessain et Tolra met en vente en septembre Blouses, jupes et pantalons, proposant 12 modèles de base et leurs variantes. Hachette Pratique alimente de plusieurs nouveautés sa célèbre collection « Les carnets de couture » (Déco ludique pour chambre d’enfant, Capes et manteaux), mais prévoit de faire évoluer cette série avec un nouveau format et de nouveaux auteurs. Tutti frutti lance de son côté une nouvelle collection, « Couture made in France », dont les auteurs sont tous des stylistes professionnels proposant des modèles assez élaborés (Belle d’intérieur, Un hiver couture et Un été couture). L’Inédite a prévu en fin d’année plusieurs nouveautés dans sa collection « Atelier du fil », et les éditions Ouest-France Ma boîte à couture, un livre-objet à la couverture en tissu brodé qui traite les différentes techniques du fil (couture, broderie, crochet, tricot). Flammarion maintient de bons résultats avec sa série sur les « intemporels », mais a décidé de se recentrer sur des fondamentaux. « Dès qu’on s’éloigne des thèmes classiques, les ventes sont difficiles », regrette Ryma Bouzid, responsable éditoriale au département livres pratiques.

 

Crochet tendance

 

A côté du tricot, qui enregistre des ventes régulières mais modestes, le crochet a suscité dernièrement un fort intérêt chez les lectrices. Les éditions de Saxe ont inscrit plusieurs titres à leur programme dont Jeu de motifs au crochet et 100 fleurs au crochet, tandis que Ouest-France a publié Grannys à crocheter, et Tutti frutti 151 bordures au crochet. Chez Marabout sont parus au premier semestre Mon cours de tricot, Mon nom est Amineko, le plus rusé des chats crochetés et Doudous longues pattes. Les éditions Marie Claire abordent le sujet avec des thématiques dans l’air du temps comme La déco en tricot, Tricot hommes, Accessoires femmes, ou encore Tricot cocooning parus en septembre.

Dessain et Tolra se positionne quant à lui avec des sujets originaux tels que Tricoter et crocheter avec le fil coton XXL, ou Zpagetti au crochet et au tricot, autour de fils fabriqués à partir de chutes de tissus recyclés commercialisés par la marque DMC. Fleurus publie en septembre un livre sur le tricot circulaire, et Mango Pratique Ma poupée au crochet. Carpentier prévoit de son côté pour septembre quatre coffrets : Chaussettes, Pompons, Crochet et Tricotin. Hachette Pratique a, pour sa part, publié début septembre Pulls et accessoires au tricot dans sa collection « Mes carnets du fil », avant de la remanier dans une version reliée rassemblant crochet et tricot.

 

La broderie compte les points

 

Le point de croix, lui, qui a suscité de l’intérêt pendant plusieurs années, souffre aujourd’hui d’une certaine désaffection. Reconnu sur cette technique, Le Temps apprivoisé fait partie des quelques éditeurs à maintenir une production régulière avec notamment Les chats au point de croix, paru en janvier, et Dans mon jardin dans la collection de beaux livres « Plaisir du fil ». Mango Pratique continue aussi de publier une quinzaine de titres par an sur le sujet, comme en juin La cuisine en rouge et bis dans la collection « Couture & broderie ». Marabout demeure un acteur actif sur ce segment mais Elisabeth Darets, directrice générale, souligne la nécessité de l’animer : « C’est un marché de l’offre. Il est important de trouver de nouveaux créateurs qui renouvellent les propositions », dit-elle. Paru en février, Pensées et violettes au point de croix a connu un bon démarrage.

La broderie peut donner lieu en revanche à de jolis succès éditoriaux. Chez Tutti frutti, c’est un livre de broderie, Fleurs de Digoin, qui a été le best-seller de la maison en 2012. Carpentier, désormais dans le même groupe que Tutti frutti, lance à la rentrée un très beau livre sur la dentelle de Venise, pratique mais à l’esthétique de « coffee table book ». Le Temps apprivoisé propose avec sa collection « Carte blanche », initiée l’année dernière, des ouvrages à la fois beaux et pratiques mettant en avant l’univers d’un auteur. Paraissent cette année Un instant dans mon atelier de Cécile Franconi, qui allie patchwork, broderie et crochet, et Un fabuleux voyage : entre rêve et réalité d’Hélène Le Berre consacré à la broderie. Fleurus prévoit pour fin 2013 une nouvelle collection, « Les albums de la brodeuse », également orientée sur les beaux livres pratiques. « Les lectrices achètent peu, mais plutôt des livres qu’elles auront envie de garder longtemps », explique Guillaume Pô.

 

Petits papiers

 

Plusieurs éditeurs font le pari de diversifier leur production. « On observe un regain d’intérêt pour les loisirs créatifs en dehors du fil, mais plutôt pour des techniques peu coûteuses », note Viviane Rousset, directrice générale des éditions de Saxe qui proposent notamment cette année un Guide visuel des nœuds, bijoux et accessoires en macramé. Gründ publie en septembre L’encyclopédie des loisirs créatifs, qui rassemble 50 projets en différentes techniques, de la peinture textile à la création de bijoux ou la mosaïque. En 2012, Marabout s’est assuré le succès avec sa collection « Les p’tites créations » à 3,50 euros, consacrée à des petits sujets à la mode. La collection s’est élargie à 4 titres en début d’année (Pompons en laine, Bracelets porte-bonheur, Bracelets perles & tricotin et Pliages de serviettes). La maison enchaîne avec une gamme dans un format et un prix légèrement supérieurs (sont parus en août Gourmettes en fête et Bijoux de tête).

L’Inédite a créé depuis 2012 une collection à 14,50 euros, « Esprit créatif », consacrée à des techniques diverses et ciblant un public plutôt débutant. On y verra en septembre Petits bricolages d’automne pour les enfants et Fabriquez vos jeux en feutrine. « Cela fonctionne à condition de trouver la bonne idée et le bon produit, en s’assurant que celui-ci sera bien disponible facilement et en quantité », tempère Nadia Daniel, directrice de L’Inédite. Hachette Pratique continue à miser sur « Do it yourself », sa collection proposant des projets simples avec différentes techniques et visant un large public (dernières nouveautés : Bandeaux, headbands et bijoux de cheveux, et Guirlandes). Ouest-France joue l’originalité avec Nail art : la création au bout des doigts, consacré à la décoration des ongles dans la collection « Talents partagés ».

Surtout, l’engouement pour les techniques autour du papier se confirme. Marabout a publié au printemps L’art du papier découpé : 20 créations pas à pas pour décorer la maison et Papier magique, 40 créations à découper, plier et coller. First publie en octobre Do it yourself : petites créations faites maison, qui propose des découpages, pliages et collages créatifs. Eyrolles étoffe ses références sur le sujet avec L’atelier reliures créatives à paraître à la rentrée. L’Inédite a obtenu de bons résultats avec L’art du cartonnage volume 2, paru en octobre 2012, et réitère à la rentrée avec L’atelier cartonnage de Lilie : couleurs d’enfance, broderie et appliqué.

 

L’art du griffonnage

 

Parmi les loisirs créatifs, le segment des beaux-arts reste, comme les années précédentes, celui qui souffre le plus. La diminution du nombre de points de vente, un public vieillissant et une offre éditoriale qui peine à se renouveler sont pointés comme les principaux facteurs de déclin. Eyrolles fait partie des rares éditeurs à maintenir sur ce segment une production régulière avec des titres tels que L’art du croquis urbain publié en janvier dans la collection « Carnets de voyage ». Il prévoit même en septembre une nouvelle série traduite de l’anglais, « Les cahiers buissonniers », qui propose des exercices sur des thématiques spécifiques (50 exercices pour peindre l’espace et 50 exercices pour aborder la couleur).

Editeur historique sur ce segment, Dessain et Tolra enregistre des ventes régulières mais modestes, en particulier avec sa collection « Les carnets d’art ». Fleurus publie toujours quelques titres par an, en particulier dans « Alla prima », une collection d’initiation entamée en 2012 et qui accueille en 2013 deux titres : Peinture à l’huile et Pastel. L’éditeur prévoit aussi pour la fin de l’année un beau livre multitechnique sur les mélanges de couleurs. First donne une nouvelle vie à son Dessin pour les nuls dans un coffret à paraître en octobre, associant le livre et un carnet de croquis, des crayons, une gomme et un taille-crayon. Ouest-France a enrichi en juin son catalogue avec Peindre la mer et les océans à l’aquarelle.

Un micro phénomène anime cependant le segment : les cahiers de coloriage pour adultes. Chez Marabout, Jardin secret : carnet de coloriage & chasse au trésor antistress a totalisé 11 000 ventes depuis sa sortie en mars. Dans le même registre, Hachette Pratique propose en septembre Mille et une nuits et New York, city color, et Dessain et Tolra un Carnet de griffonnage spécial gourmandise ainsi que 100 mandalas anti-stress. <

Les loisirs créatifs en chiffres

Du bon et du beau

 

L’influence de la mode japonaise et l’inventivité des sites de blogueuses incitent les éditeurs à accroître la qualité graphique de leurs ouvrages.

 

Pour toucher sa cible, un livre de loisirs créatifs doit aujourd’hui non seulement proposer des créations de qualité, mais séduire par son esthétique. « Il est important de faire une veille sur tout ce que les gens sont habitués à voir, et de repérer les codes graphiques adoptés par le grand public », souligne Anne La Fay, directrice éditoriale chez Hachette Pratique. Peu de maisons disposent d’une équipe en interne, préférant élaborer des alliances styliste-photographe-graphiste en fonction des projets, comme chez Marabout. « Nous sommes assaillis par les images. Les jeunes sont plus exigeants que les générations précédentes, note la directrice générale de la maison, Elisabeth Darets. La France a très bonne réputation en matière d’esthétique. » Même constat aux éditions Marie Claire : « Nos livres s’adressent à des femmes qui regardent les magazines de mode et de décoration, rappelle Thierry Lamarre, directeur de la diversification. Ils doivent respecter ces codes et proposer des réalisations chics, qui s’inscrivent dans la tendance. »

Si les ouvrages de loisirs créatifs empruntent de plus en plus à l’univers des magazines et des livres d’inspiration, ils doivent cependant conserver leur dimension pratique. « La mode est au visuel, mais en même temps le texte rassure. Il faut trouver le juste équilibre entre les deux », explique Nadia Daniel, directrice de L’Inédite. « Il ne faut pas faire trop esthétisant, confirme Viviane Rousset, directrice générale des éditions de Saxe. Certaines techniques, comme la broderie, nécessitent de voir les réalisations de près. Il faut trouver un compromis entre l’ambiance et l’aspect pratique. » Le graphisme doit également signer l’identité de l’éditeur. « Nous travaillons toujours avec les mêmes photographes et graphistes pour garantir une identité graphique constante », précise Ryma Bouzid, responsable éditoriale au département livres pratiques de Flammarion.

 

 

Créateurs de tendance.

Les blogs, très actifs et créateurs de tendance, font partie des principales sources d’inspiration. « Parfois, les photos réalisées par l’auteur sont tellement belles qu’on n’a pas besoin d’en refaire avec un photographe professionnel », observe Colette Hanicotte, directrice éditoriale de Dessain et Tolra. Le phénomène des blogs a pris tant d’ampleur qu’Eyrolles a créé une série d’ouvrages pour accompagner les blogueuses dans leur pratique. Prévu pour novembre, Vendre et mettre en avant ses créations vient après Photographiez vos créations, paru en octobre 2012, et Démarrer son activité déco, paru en février dernier. Une influence qui trouve cependant ses limites : « Je ne regarde pas du côté des blogueuses, car elles ont toutes tendance à faire la même chose », assure pour sa part Alexis Faja, directeur de Tutti frutti.

 

L’autre grande influence marquante du secteur vient des éditeurs japonais. Anne-Sophie Pawlas, directrice éditoriale au Temps apprivoisé, détaille leur apport : « Le Japon a eu récemment une forte influence en donnant une place importante à la mise en scène. Les livres font la part belle aux créations et renvoient les explications techniques en deuxième partie d’ouvrage. » <

"Les blogueuses ont dépoussiéré la discipline"

Pour Antoine Béon, directeur artistique chez Hachette Pratique, « il est indispensable de donner de l’inspiration avec des publications d’une grande qualité visuelle.Nous travaillons selon deux options, explique-t-il. Soit dans le cadre d’une collection avec une charte graphique qui en assure la cohérence, soit en faisant du sur-mesure pour valoriser l’univers des auteurs ayant une très forte personnalité. Nous intégrons par exemple des doubles pages de photos qui créent une respiration et cassent l’alternance : une page d’illustrations-une page d’explications. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que ces ouvrages doivent rester didactiques et donc contenir des pas-à-pas et des gros plans des réalisations. Les blogueuses, dont bon nombre ont une formation en graphisme, sont pour nous des sources d’inspiration par le traitement photographique, les typos et les couleurs qu’elles choisissent. Elles ont contribué à renouveler l’esthétique des livres de loisirs créatifs. » <

"Les innovations technologiques ouvrent des possibilités presque illimitées"

« Notre mission est de valoriser l’univers de l’auteur ou d’en créer un pour ceux qui ont de belles réalisations mais pas encore un univers affirmé, explique Laurent Quellet, directeur artistique livres pratiques chez Fleurus et Mango. Les livres sont moins didactiques qu’auparavant. Nous faisons encore des pas-à-pas et des schémas quand c’est nécessaire, mais aujourd’hui l’approche est plus esthétique, avec un traitement dans l’esprit de celui des magazines. La photo tient une grande place pour installer une ambiance et obtenir un résultat qui soit le plus séduisant possible. Les évolutions de la PAO ont transformé notre manière de travailler. Grâce à la baisse des coûts de fabrication, à l’amélioration des techniques d’impression et à leur standardisation au niveau international, on peut se permettre beaucoup plus de choses qu’avant dans le choix. Tout ceci a complètement libéré le champ des possibles en matière de création éditoriale. » <

Meilleures ventes : la folie des bijoux

L’explosion du nombre de titres consacrés aux bijoux marque le classement annuel Ipsos/Livres Hebdo des meilleures ventes en loisirs créatifs. Les ouvrages consacrés aux bracelets brésiliens et aux bracelets Shamballa, en particulier, occupent 10 places du palmarès, dont les deux premières. Cinq références du top 10 relèvent de cette thématique. Avec 6 livres sur le sujet, Marabout s’en est fait une spécialité, mais nombre d’éditeurs s’en sont emparés, notamment Larousse, Fleurus, les éditions de Saxe ou encore L’Inédite.

Autre sujet fort de la période 2012-2013, les pliages et l’origami, qui totalisent également 10 références, dont Origami pour tous chez Larousse, qui apparaît en 9e position. Signe d’un certain fléchissement après avoir dominé les classements et caracolé en tête des ventes pendant plusieurs années, la couture compte elle aussi 10 références au classement, mais le premier titre n’apparaît cette année qu’à la 7e place (La boîte à couture pour les nuls chez First). Considéré par les éditeurs comme un sujet en perte de vitesse, le dessin réussit néanmoins à placer 7 titres dans le classement (dont Dessiner, mode d’emploi chez Vigot, dès la 4e place, et le coffret Dessiner des mangas pour les nuls chez First). A noter, également, un microphénomène avec le Carnet de griffonnage de Larousse, qui ferme le classement à la 50e place. <


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