Quoi qu'on en pense, la production manga ne se résume pas au shonen et au shôjo. Trois éditeurs indépendants en font de longue date la démonstration en creusant chacun un sillon spécifique, en dehors de la production attendue.

CORNÉLIUS OU LE PATRIMOINE

Régulièrement chroniquées dans la presse culturelle, les publications de Cornélius sont bien connues des amateurs du 9e art. Maison de bande dessinée indépendante, proche de L'Association, elle a été fondée en 1991 par Jean-Louis Gauthey. Dans son prestigieux catalogue se côtoient les travaux de Blutch, de Trondheim, de Crumb, de Charles Burns ou de David Mazzucchelli, mais aussi, depuis 2004, des grands noms du manga à raison de trois ou quatre titres par an. Centrée sur le patrimoine japonais, la maison a fait découvrir en France un classique nippon jusqu'alors jamais édité, Shigeru Mizuki, entre autres un des fondateurs du manga d'horreur. Au second semestre, Cornélius annonce d'ailleurs un nouveau titre de Mizuki, premier tome d'une trilogie autobiographique. Parmi les autres auteurs appartenant désormais au patrimoine, on trouve aussi Yoshihiro Tatsumi (L'enfer) ou Osamu Tezuka (Prince Norman) mais aussi Shohei Kusunoki, Susumu Katsumata ou Shinichi Abe.

IMHO OU LES JEUNES AUTEURS CONTEMPORAINS

Benoît Maurer a créé les éditions IMHO il y a maintenant près de 10 ans.- Photo OLIVIER DION

Créées par Benoît Maurer, un ancien de J'ai lu et du magazine Japan Mania, les éditions IMHO, acronyme de in my humble opinion ("à mon humble avis"), constituent une tête chercheuse dans la jeune génération d'artistes mangakas japonais. IMHO est né en 2003, en plein boom manga, et a connu de gros succès, notamment avec Cinderalla de Junko Mizuno, entraînant un développement incontrôlé de la maison avec des collections d'essais, de romans, etc. Depuis deux ans et un changement de diffusion (passage chez Harmonia Mundi), le catalogue se recentre sur le manga, qui représente 80 % de la production. Les nouveautés, toujours au format B5 (14,7 × 21 cm), s'articulent autour de deux lignes : d'un côté, des auteurs inconnus qui viennent de publier leur premier manga au Japon et proposent un style graphique pop et contemporain nouveau ; de l'autre, des travaux plus pointus d'auteurs qui évoluent dans le manga "mainstream", comme Usamaru Furuya (Litchi Hikari Club). Parmi les titres à paraître, Benoît Maurer annonce prochainement un 2e volume de Pilou de Junko Mizuno, ainsi que Mindgame de Robin Nishi. Il est en discussion avec deux auteurs majeurs pour célébrer dignement l'année prochaine les 10 ans de la maison.

LE LÉZARD NOIR DU CÔTÉ OBSCUR

Diffusé comme IMHO par Harmonia Mundi, Le Lézard noir explore la face obscure de la BD japonaise. Son nom reprend le titre d'un roman d'Edogawa Ranpo, d'une pièce de Mishima et d'un film de Fukasaku, marquant la volonté de la maison de s'intéresser au romantisme noir et au japonisme décadent. A la clef, des ouvrages à ne pas mettre entre toutes les mains, comme La chenille de Suehiro Maruo, sur les rapports sexuels entre un homme-tronc et sa femme, mais toujours contextualisés aux travers de préfaces. Ainsi, Anjin-san (une leçon de sagesse) de George Akiyama, publié en juin, est précédé d'un texte expliquant la philosophie de l'éveil. A raison de 10 titres par an, dont une collection jeunesse avec Moomin, Le Lézard noir montre "un Japon réel, loin de celui fantasmé dans les mangas "mainstream"", explique son fondateur, Stéphane Duval, un ancien disquaire marié à une Japonaise. Il a ainsi édité Vagabond de Tokyo, sur les laissés-pour-compte de la bulle économique nippone des années 1980. Par ailleurs directeur de la maison d'architecture de Poitiers, Stéphane Duval allie ses deux passions puisqu'il édite le catalogue de l'exposition "Mangapolis", sur la ville dans la bande dessinée japonaise.

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