On le lit lentement, lentement lire - et si vite parfois - les 495 pages où il y a Esperanza la jeune hispano-américaine, Dylan et Maddie le couple enfui, le clochard Joe - les voix l’océan c’est ici ici - la star Amberton Parker hétéro le jour gay la nuit, et les autoroutes tentaculaires, le parc d’attraction, le minigolf, les employés pauvres, les vieilles riches, les voitures les motos les caravanes les quartiers les collines.   Mulholland Drive est “ une route à deux voies qui court sur trente-trois kilomètres le long des Hollywood Hills et des Santa Monica Mountains ” où se croisent le bonheur la vitesse rouler visage à l’air et le violeur l’hôpital le motel.   Il y a une foule de lieux, d’histoires, de micro-histoires, imbriquées lâches tressées, comme le réseau d’une ville qui grandit avec le temps, la somme des espoirs des vies des drames, comme lorsqu’à la fin d’une journée difficile on s’arrête un instant au bord du chemin, on voit l’océan, on ne fait que ça pendant quelques minutes, regarder l’eau qui scintille, le filet d’argent nourri de bleu, comme suspendu dans l’air, la chaleur, et un instant vient le parfum de la décharge en contrebas. Et en bouche une chose qui a plusieurs noms.   L.A., elle l'a Pourquoi Los Angeles ? On pourrait se dire, avec le découpage, l’alternance des personnages, qu’on a là un récit dont la narration s’apparente à celle d’une série télévisée, l’une de ces dernières produites dans la fin des années 90 début 2000 et qu’on appelle déjà - comme s’il était, mais n’est pas, terminé - l’âge d’or des séries américaines, rythmées, prenantes dans la forme, et profondes. (On oublierait que ces procédés narratifs sont à l’oeuvre depuis longtemps en littérature, ne serait-ce que chez Faulkner.) Et parce que c’est là-bas qu’on en écrit produit tourne le plus, mais aussi de bien mauvaises. Alors pourquoi Los Angeles ? Parce que le mythe, l’âge d’or de Los Angeles existe depuis presque un siècle, et continue. La ville-phare où des milliers d’humains, tels des insectes, viennent s’écraser chaque année. La ville gloire. La ville du cinéma et du rêve. La ville du futur. La ville-monde qui échappe aux genres parce qu’elle s’est faite au fil du temps être vivant unique, qui, comme l’une des plus belles fleurs de notre jungle, aurait développé ses pétales flamboyants pour nous attirer vers ses délicieuses nourritures, vers ses mielleux poisons.   On peut dire assez objectivement qu’il s’agit là d’un classique contemporain, forme fond, inventivité modernité. Je n’ai pas dit révolution. Je dis émotion. Grandes émotions, les passages qu’on lit en marchant, savoir si, savoir si elle... Et toujours cet appel d’intelligence, cet appel qui ouvre le regard et nettoie la tête mieux que n’importe quoi.   C’est une formulation triviale pour littérature, excellente littérature américaine. Si j’en dis plus je raconte l’histoire. Alors allez-y (l’injonction est rare), mais là, allez-y les yeux fermés.   __________ L.A. Story , James Frey, Flammarion
15.10 2013

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