Avant-critique Roman

 Mahsa Mohebali, "Teheran trip" (La croisée)

 Mahsa Mohebali, "Teheran trip" (La croisée)

Désormais interdite d'expression dans son pays, l'Iranienne Mahsa Mohebali le dépeint de façon ébouriffante, à travers une jeunesse assoiffée de liberté.

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Par Kerenn Elkaim
Créé le 27.02.2023 à 09h00 ,
Mis à jour le 27.02.2023 à 16h44

Tremblements d'Iran. À l'heure où l'Iran vit au rythme d'un mouvement contestataire et subit la dureté du régime qui souhaite l'opprimer, bon nombre d'écrivains sont amputés de leur plume. Mahsa Mohebali en fait partie. Née en 1972, elle a vécu quelques années aux États-Unis avant de revenir à ses racines. Mais l'an dernier, cette romancière, critique littéraire, enseignante et scénariste respectée s'est retrouvée derrière les barreaux. Sa libération n'est qu'illusoire puisqu'elle ne peut plus quitter le pays ou s'exprimer - en public et par écrit - avant 2024. Une prison mentale qui tranche avec le ton merveilleusement délirant de son héroïne Shadi. Elle, qui incarne un pied de nez à la dictature des mollahs, ne pense qu'à « fêter les bonnes vibes de Téhéran ». Clopes, drogue ou Tom Waits à fond les oreilles, tout est bon pour fuir son quotidien suffocant et un avenir guère brillant. Or voilà qu'un tremblement de terre s'invite sans prévenir. Piégée par la situation, Shadi s'accroche à ses frères et son désir de fuir. Elle s'interroge aussi en voyant sa mère toute tremblante. « On dirait un moineau. Je n'arrive pas à croire qu'elle était autrefois une guérillera, qu'elle a distribué des tracts ou qu'elle a manié des armes. » Dire qu'elle brandit aujourd'hui un chapelet électronique. Une ambiance pathétique à laquelle Miss rebelle tourne le dos. En dépit des secousses menaçantes, Shadi se travestit en homme pour rejoindre la rue, où la jeunesse semble électrisée par le chaos ambiant. « La ville est à nous. » Une métaphore de la situation actuelle, montrant à quel point ces jeunes sont épris de liberté. Aussi est-il temps de secouer les murs et le pouvoir en place. « Je ne sais pas si les tremblements sont sous la terre ou dans leur cerveau. » En quête de ses amis et de la came qui maintient son énergie, Shadi hésite à suivre le mouvement. La voilà soudainement interpellée : « Si t'as des couilles, reste. Reste pour garder ta ville, pour la garder belle. » Tremblement de terre ou pas, la répression freine violemment les opposants, arrêtant même Mamie Molouk, alors que la grand-mère de l'héroïne souffre d'Alzheimer. Tout un symbole... Surprenant, ce roman frétillant est construit comme un Trainspotting iranien au féminin. Comme le dit Shadi, « si seulement je pouvais prêcher, je dirais que la vie continue ».

Mahsa Mohebali
Teheran trip Traduit du perse (Iran) par Shabnam Jafarzadeh
La Croisée
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 20 € ; 192 p.
ISBN: 9782413078135

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