Manifestation

A Manosque, le livre reprend ses marques

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A Manosque, le livre reprend ses marques

Retrouvant son public, le festival des Correspondances s’est ouvert mercredi avec l’auteur franco-russe Iegor Gran et s’achèvera dimanche par une lecture de Cher Connard de Virginie Despentes par Ana Mouglalis. Pour cette 24ème édition, cet incontournable de la rentrée littéraire a une nouvelle fois visé ses thèmes phares.

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Par Éric Dupuy
Créé le 24.09.2022 à 13h21 ,
Mis à jour le 04.10.2022 à 10h58

« Cette fois, c’est bon ! On retrouve la fréquentation de 2019 », se félicite Olivier Chaudenson en balayant d’un regard soulagé la place de l’hôtel de ville de Manosque (Alpes de Haute Provence), mercredi 21 septembre. Allégée des barrières de sécurité qui s’étaient invitées l’an dernier autour de l’épicentre du festival, il accueille des jeunes et des moins jeunes pour le plus grand plaisir du codirecteur des Correspondances.

En cette fin d’après-midi, ils sont venus entendre Iegor Gran évoquer les Russes comme il les décrit, de manière sarcastique et effrayante, dans son dernier roman Z comme Zombie (P.O.L). Quelques heures plus tôt, Vladimir Poutine a décrété la mobilisation partielle pour renforcer son armée déployée en Ukraine. Difficile d’être plus dans l’actualité. Le public écoute attentivement l’auteur se moquer de ses compatriotes qui s’enorgueillissent d’avoir « plus de lettres dans leur alphabet » que les occidentaux. À la fin des échanges, les questions fusent : « Comment se positionne l’église orthodoxe dans tout ça ? », interpelle un manosquin. « Elle est passée du côté de l’antéchrist », fustige l’auteur avant de dédicacer plusieurs exemplaires de son roman en contre-bas de la scène aménagée sous une toile tendue.

Iegor Gran à Manosque
Iegor Gran en dédicace de son roman Z comme Zombie (P.O.L)- Photo ED

« des auteurs établis et des premiers romans »

La programmation de la manifestation a été arrêtée dès avril, réception des ouvrages de cette rentrée littéraire, comme chaque année. « Nous retenons au printemps ce qui nous semble pertinent », confie Olivier Chaudenson. Cette fois, 45 auteurs ont été choisis pour échanger sur les thèmes de leur œuvre, dont 26 romancières. Parmi eux, plus d’une douzaine figure dans les premières sélections des grands prix d’automne. « Les jurys nous ont suivi cette fois », s’amuse Evelyn Prawidlo, la codirectrice des Correspondances. L’an dernier ce n’était pas le cas. Olivier Chaudenson souligne qu’il y a dans cette rentrée à la fois « des auteurs établis qui ont fait de très bons livres, et d’excellents premiers romans ». Dans la programmation, on retrouve d’ailleurs 11 primo-romanciers, et six auteurs de leur deuxième roman. Est-ce à Manosque que se font les prix littéraires de novembre ? La direction réfute cette idée, tout en confessant à demi-mots recevoir de plus en plus de demandes insistantes d’éditeurs pour y faire inviter leurs auteurs. 

Labo de l’édition

Festival littéraire de Manosque
Les élèves du lycée international de Manosque en comité de lecture- Photo ED

La marque de fabrique de ce festival créé en 1999 est de mettre en avant des auteurs peu connus. Un travail de fourmi réalisé en comité de lecture sous la houlette de Didier Le Bret, le président du festival. « L’objectif est de permettre aux jeunes générations de se plonger dans les livres », lance l’ancien diplomate dans son discours d’inauguration. Pour cela, depuis 2015, un labo de l’édition met en scène le comité de lecture d’une maison d’édition. Cette année, ce sont les éditions du Typhon des frères Torres, basées à Marseille, qui ont proposé trois manuscrits à lire à trois classes du lycée international et au club de lecture de Manosque. Devant le public, les élèves et les retraités ont confronté leurs avis, tranchés et justifiés. « Il y a des choses intéressantes qu’on remarque dans la dimension générationnelle de leur grille de lecture », commente Yves Torres.

Des engouements de lecture

Le soir, le théâtre Jean-le-Bleu affiche complet pour des lectures passionnantes : des lettres de la truculente peintre Frida Khalo aux précieuses missives d’Oscar Wilde magnifiée par l’acteur Nicolas Maury. A moins de 15€ la place pour 600 sièges, pas de quoi abonder les 460 000€ de budget du Festival. Mais celui-ci peut compter sur les subventions publiques des collectivités territoriales et le mécénat de quatre institutions privées pour perdurer. « Nous avons de la chance d’être parmi les festivals les plus soutenus, mais cela demande un gros travail de renouvellement chaque année », confie Evelyn Prawidlo, qui a, comme l’ensemble de son équipe d’une douzaine de bénévoles, ce rendez-vous chevillé au corps depuis près de 20 ans. « On ne veut pas se présenter chaque année à l’identique », précise Olivier Chaudenson, qui assure que le rendez-vous « s’est solidifié financièrement, ce qui nous permet de nous donner de la visibilité sur trois ans, avec un cap symbolique important l’an prochain ». En 2023, Les Correspondances de Manosque fêteront leur 25ème édition. Sa direction promet déjà de se renouveler, mais « avec un programme toujours axé sur des engouements de lecture ».

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