Je n'ai pas l'impression de faire grand-chose. Et tout le temps qui n'est pas dévolu à la création me paraît perdu", explique Arthur Dreyfus. On est sérieux, quand on a 25 ans. Heureusement, la création, telle qu'il la conçoit, est protéiforme.

Photo PHOTO CATHERINE HÉLIE © GALLIMARD

L'écriture, avant toutes choses. Natif de Lyon, une ville dont il n'aime ni les gens ni l'atmosphère, Arthur Dreyfus est monté à Paris à 17 ans. Non point afin de "s'éclater", comme n'importe quel ado stendhalien. "Je ne suis pas festif, avoue-t-il. Je déteste les bars et les boîtes." Alors, interne au lycée Henri-IV, il fait une hypokhâgne, puis une licence d'anglais, le Celsa et Sciences po. Mais pas question d'être prof. "J'ai fait le mur », dit-il. En 2009, il écrit une nouvelle, Il déserte, qui reçoit le prix du Jeune écrivain francophone, et est publiée chez Buchet-Chastel. Dans le jury, Jean-Baptiste Del Amo. Celui-ci l'encourage, et Arthur mène à bien un roman, La synthèse du camphre, dont il envoie le manuscrit à Jean-Marie Laclavetine, chez Gallimard. Bonne pioche. Le livre paraît en 2010, est remarqué par la critique, et reçoit le prix du Premier roman au festival Les Mots Doubs, à Besançon, jury présidé par Valentine Goby.

Après ce sans-faute, le jeune surdoué imagine un projet farfelu, Le livre qui rend heureux. A l'origine, une de ses congénères de Sciences po qui, à 20 ans, avoue attendre avec impatience l'âge de la retraite ! En réaction, Arthur concocte une espèce de traité du bien-vivre et de l'optimisme raisonnable, avec une mise en page inventive, qui swingue. Prévu pour Le Promeneur, le livre sera finalement publié chez Flammarion, en 2011, et se taille un joli succès.

Le cinéma, ensuite. Dans une vie antérieure, Arthur Dreyfus se voyait comédien. Il a d'ailleurs joué dans la série Famille d'accueil sur FR3, et participe encore à quelques castings. "Mais je suis un très mauvais acteur, dit-il, parce que, dans la vie, je ne parviens pas à absorber l'émotion de l'autre." Il passe donc de l'autre côté de la caméra, créant et réalisant, en tandem avec son ami Gurwann Tran Van Gie, la série Un film sans. Quarante courts-métrages diffusés en 2010 sur TPS Star, dont le concept réside dans le titre : "Imaginez un western sans revolver, ou un porno hard sans radiateur", raconte Arthur, qui prépare deux documentaires, et aimerait bien passer au long-métrage. Tout en préférant l'écriture : "Là, on est vraiment libre, affirme-t-il. Rien à voir avec la lourdeur de l'audiovisuel, surtout de la télé." Ce qui explique sans doute pourquoi il travaille à la radio... Lorsque est paru La synthèse du camphre, il en avait envoyé un exemplaire à Philippe Val, le directeur de France Inter. Lequel a beaucoup aimé et décidé d'embaucher l'auteur. Arthur Dreyfus a d'abord présenté "La période bleue", à l'été 2011, une série d'entretiens avec des artistes qu'il admire. Ce fan de Charles Trenet (entre autres références) anime aujourd'hui l'émission hebdomadaire "Chantons sous la nuit", où il réserve une large place aux musiques innovantes, dont l'électro. Il tient aussi une chronique sur la publicité dans la quotidienne "Ouvert la nuit". Pour quelqu'un qui n'aime pas se coucher tard, c'est réussi. Mais causer dans le poste lui semble "une activité naturelle", et un écrivain raisonnable se doit d'assurer la matérielle.

Magie

Arthur Dreyfus publie en janvier Belle famille, son deuxième roman chez Gallimard, fort différent du précédent. "La synthèse du camphre était assez proche de moi, avec une partie sur mon grand-père. Le deuxième est plus personnel, et plus loin de moi." Dans Belle famille, l'écrivain "moderne" (adjectif qu'il préfère à "jeune", par trop galvaudé) s'est inspiré d'un fait-divers : la disparition, en Espagne, de la petite Madeleine McCann. Ses parents ont été soupçonnés de l'avoir assassinée, masquant leur crime derrière un impressionnant tapage médiatique et people mondial. Dreyfus a transposé l'histoire en Italie, et la victime est Madec, un jeune garçon qui disparaît comme s'il n'avait jamais existé. "Un mirage", un elfe dans un monde pervers. Le livre est beau et terrible. Et l'inspecteur Andreotti, qui mène l'enquête, a de solides qualités de "mentaliste". Comme son créateur, qui exerce aussi la magie en professionnel. Sa spécialité ? Le mentalisme qui « a un rapport avec la télépathie, la manipulation mentale".

Belle famille, Arthur Dreyfus, Gallimard, 17,90 euros, ISBN : 978-2-07-013653-7, mise en vente le 5 janvier.

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