Lorsque l'éditeur Claude Capelier proposa à André Comte-Sponville d'écrire un volume de la collection Dictionnaire amoureux, ce fut pour lui une évidence de choisir Montaigne. De lui revenir plutôt, puisqu'il lui avait consacré l'un de ses premiers essais : Je ne suis pas philosophe. Montaigne et la philosophie (Honoré Champion, 1993), ainsi que de nombreuses conférences. Et puis, ajoute-t-il non sans humour, Le dictionnaire amoureux de la philosophie était déjà pris, par son ami Luc Ferry ! Retour à Montaigne, donc, un auteur « si vivant, si actuel, si nécessaire », y compris en ces temps de pandémie. Et de renvoyer le lecteur à ce que l'auteur des Essais écrit sur la peste, dont il a connu plusieurs épidémies, notamment en 1585, à Bordeaux, dans la dernière année de son second mandat de Maire - il le fut de 1581 à 1585, marchant dans les traces de son père qui avait exercé la même charge de 1554 à 1556. Ces pages de Montaigne ont permis à Comte-Sponville, explique-t-il, de relativiser son « appréhension ». On sait les ravages incommensurables de la peste, comme, plus tard, de la grippe espagnole. Ce dictionnaire, on peut le lire dans l'ordre, d'Action à Zweig (Stefan), l'un des admirateurs de Montaigne, à qui il a consacré son dernier livre, juste avant de se suicider en 1942. Comme un essai façon puzzle. Mais il est plus amusant, plus stimulant intellectuellement de procéder par association d'idées. De passer, par exemple, d'Amour/Amitié (notre homme déclarant préférer de loin la seconde au premier), à La Boétie, « l'ami fabuleux », « absolu, irremplaçable » de Montaigne, d'où le fait que l'on se soit interrogé depuis toujours sur la nature de leurs rapports : homosexuels ou seulement ce que Cicéron appelait un « amour d'amitié » ? Comte-Sponville éclaire, toujours érudit jamais pesant, discute, mêle son grain de sel, car écrire sur Montaigne c'est aussi écrire sur soi, comme le fit Gide, par exemple. Il y a aussi, dans ce livre divers et copieux, quelques surprises comme cette entrée Zen, où Montaigne, catholique modéré et sceptique, se voit salué, par un athée, tel « une espèce de Confucius », ou encore « le plus chinois des penseurs occidentaux », parce qu'il a pensé l'impermanence des choses, et qu'il vivait dans le présent absolu : « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors... » Un mantra. Il y en tant d'autres dans les Essais. Grâce à ce Dictionnaire amoureux, on a envie de les relire d'urgence.

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