2 NOVEMBRE - ROMAN France

Didier Tronchet- Photo ARNAUD FÉVRIER/FLAMMARION

Le héros de Didier Tronchet, narrateur à la première personne dont l'auteur nous avoue qu'il n'est autre que son double, est un pusillanime pathologique, qui toujours "pèsele contre et le contre » avant de prendre n'importe quelle décision. Par exemple, alors que l'appartement au-dessus du sien est en train de flamber, il lambine dans la cage d'escalier enfumée de l'immeuble pour finir par emporter ce qui lui paraît son bien le plus précieux : tous ses albums de photos !

Certes, il y investit une forte charge émotionnelle, dans ces clichés. Sur quelques-uns, il figure même, lui, le petit dernier d'une fratrie, la quantité négligeable, le minus habens à qui sa mère n'a pas jugé utile, lorsque son père est mort, de lui remettre la lettre que le moribond lui avait laissée, comme à chacun de ses quatre enfants. La scène où il retrouve par hasard l'enveloppe dans la maison de sa grand-mère et prend enfin connaissance du message paternel venu d'outre-tombe est l'une des plus bouleversantes, des plus pudiques et des plus drôles d'un livre qui en recèle pas mal.

L'autre intérêt de l'histoire des albums de photos, c'est qu'elle inaugure la folle semaine que va vivre, bien malgré lui, notre héros. Et qui va tout changer. Après qu'il s'est résolu, tout en culpabilisant (tendance lourde de son caractère, cultivée et aggravée par sa mère), à jeter ses souvenirs à la poubelle, sa voisine du deuxième, aux charmes de laquelle il n'est pas insensible, les récupère, sans savoir à qui ils appartenaient. Ensuite, il apprend coup sur coup, par un message énigmatique de sa femme de ménage tchétchène, la rude Tatiana, la mort d'un de ses amis (mais lequel ?), puis celle de sa grand-mère. Se réfugiant chez sa soeur aînée, mère du jeune Anthony, un préado sympa et affectueux, il va se trouver obligé d'aller assister à l'enterrement, tout là-haut, dans ce Nord dont la famille est originaire mais qu'il avait préféré fuir. Enfin, à bout de forces, le voici qui propose à Anthony, enchanté, de partir en Ardèche pour un week-end juste tous les deux, en copains.

Au terme d'un road movie cocasse, les garçons (l'adulte étant, on s'en doute, le plus gamin des deux) feront du pédalo - à la Toussaint -, massacreront les paroles des chansons des Beatles et dévoreront, avant de s'endormir, Tintin au Tibet. Après avoir retrouvé la lettre de son père, le narrateur voit dans le yéti, veillant à jamais, de loin, sur le jeune Tchang, une allégorie de son père le protégeant lui, comme il protège à son tour son neveu Anthony, qu'il considère comme son fils. De retour à Paris, il se pourrait qu'il trouve l'audace de demander à la voisine du deuxième de devenir la mère d'un autre enfant... Alors qu'on l'a persuadé qu'il est quelqu'un d'"infiniment moyen », le héros de Didier Tronchet se révèle un type formidable, généreux, doué d'un flegme et d'un humour british à toute épreuve.

Subtilement construit et fort bien écrit, Le fils du yéti est avant tout un roman sur la relation père-fils, la transmission, le poids d'une enfance que l'on assume toute sa vie.

Les dernières
actualités